Le Vieux de De Cataldo : une spectralisation des fondements de l’écriture

La littérature du début du xxie siècle est fortement marquée par la non-fiction. Cependant, force est de constater que dans cette littérature, qui prétend raconter des événements faisant partie sinon de l’Histoire du moins des chroniques, bien des spectres hantent la narration, personnages presentiae in absentia. Nous faisons le pari que ce sont-là des figures nouvelles d’un point de vue littéraire, révélatrices des paradoxes de l’écriture du début des années 2000. Nous analyserons le cas du Vecchio, le Vieux, personnage créé par Giancarlo De Cataldo et qui apparaît, sous une forme éminemment littéraire et spectrale, dans Romanzo Criminale et Nelle mani giuste. Cette étude nous permettra de voir comment, dans le panorama littéraire italien contemporain, le rôle de l’écrivain et le rapport de celui-ci aux sources de son écriture ont changés.Twenty-first century literature has thus far been characterized by the massive presence of non-fictional works. Nevertheless, it is generally acknowledged that this literature—whose aim is to be assimilated with historical chronicles—is haunted by the presence of specters, that is to say, a series of characters that are both present and absent from the narration. I will contend that the function of their appearance is to reveal the paradoxes of writing at the beginning of the new century. In particular, I will focus on the figure of Vecchio, the old man, a character created by Giancarlo De Cataldo for his novels Romanzo criminale and Nelle mani giuste. Vecchio is worth mentioning for my purposes precisely because he exhibits the features of a specter. In this study, I will analyze how, in contemporary Italian literature, the relationship between the role of the writer and his access to sources and documents have changed in recent years

Spectralités dans le roman contemporain

L’ambition de ce volume, qui rassemble des études sur des écrivains de la deuxième moitié du XXe siècle (Italo Calvino, Antonio Tabucchi) et du début du XXIe siècle (Bruno Arpaia, Rafael Chirbes, Julio Llamazares, Walter Siti, Gonçalo M. Tavares, Giorgio Vasta), est d’interroger le retour du refoulé historique dans la littérature contemporaine de l’Italie, de l’Espagne et du Portugal à partir du concept de spectralité forgé par Jacques Derrida. De nombreuses œuvres littéraires semblent recourir au spectre pour figurer un nouveau régime d’historicité mais aussi un temps présent désarticulé et hétérogène et perçu comme de plus en plus en manque de réel. En effet, « revenant » du passé ou projection paradoxale du présent, le spectre marque un point irrésolu de l’histoire tout en révélant les enjeux fondamentaux de notre temps