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Empathie du chercheur empathie des acteurs
En se basant sur une recherche ethnographique menĂ©e auprĂšs des personnes qui sâengagent bĂ©nĂ©volement Ă accompagner des mourants, cet article propose par une sorte de jeu de miroir, de cerner les limites et les dĂ©ploiements possibles de lâempathie tant pour le chercheur que pour les acteurs. Lâune des caractĂ©ristiques principales de lâaccompagnement en fin de vie bĂ©nĂ©vole, outre le volontariat, rĂ©side dans sa dimension empathique. PrĂ©alablement formĂ©s, les bĂ©nĂ©voles ont le devoir de remplir leur tĂąche en se focalisant sur les attentes des patients : savoir occuper une juste distance tout en faisant lâeffort de se mettre Ă la place de son interlocuteur, telles sont formellement et idĂ©alement les rĂšgles dâor de ce type de bĂ©nĂ©volat. Le but de lâobservation participante â crĂ©er une alliance relationnelle empreinte de confiance et de distance â demeure lui aussi un idĂ©al suscepÂtible de se modifier lors de lâenquĂȘte de terrain. DĂšs lors comment lâanthropologue, empathique, traite-t-il lâempathie des bĂ©nĂ©voles ? QuâestÂce qui distingue ou rapproche ces deux formes dâempathie ? Ce chassĂ©-croisĂ© entre lâanthropologue et ses enquĂȘtĂ©s permet Ă lâauteur de proposer quelques Ă©lĂ©ments de rĂ©flexion autour de ces deux questions.Based on a piece of ethnographic research about the activities of volunteers who work with people who are terminally ill and dying in Switzerland, this article aims by a kind of reflexive exercise to determine the limits and possible deployments of empathy both for the researcher and for actors. One of the principal characteristics of volunteer action in palliative care organisations, besides its voluntary aspect, is its empathetic dimension. Trained beforehand, the volunteers have the duty of carrying out their task by focusing on the expectations of the patients : knowing how to keep an appropriate distance while making the effort to put oneself in the place of oneâs interlocutor is formally and ideally the golden rule of this type of volunteer work. The aim of participant observation â to create a relational alliance imbued with trust and distance â remains an ideal liable to be modified during fieldwork. That being the case, how does the empathetic anthropologist deal with the empathy of the volunteers ? What distinguishes or brings together these two forms of empathy ? This to-ing and fro-ing between the anthropologist and the research participants allows the author to develop some reflections on these two questions
Le social au-delĂ du partage
INTRODUCTION : LA MORT ET SES AMBIVALENCES Lâanthropologie a souvent apprĂ©hendĂ© la mort au prisme de la ritualitĂ© funĂ©raire. La plupart des travaux â les plus anciens comme les plus rĂ©cents (Hertz, 1905 ; Durkheim, 1912 ; Malinowski, 1955 ; Thomas, 1975 ; Maurice Bloch & al., 1982 ; Baudry, 1999 ; DĂ©chaux 2000 ; 2001) â retiennent le « potentiel dĂ©stabilisateur » de la mort et la façon dont les survivants cherchent Ă le neutraliser pour prĂ©server le collectif ou les individus de lâanomie ou d..
Les transitions existentielles en question
Selon Nicholas Rose, la fin du XVIIIe siĂšcle a vu les pratiques mĂ©dicales modifier en profondeur « la forme de vie constituĂ©e par lâĂȘtre humain contemporain » (2007 : 700). Dans les sociĂ©tĂ©s industrialisĂ©es, les moments de transition entre la vie et la mort nâont ainsi pas Ă©chappĂ© au processus de mĂ©dicalisation. La naissance de la clinique moderne a placĂ© les expĂ©riences de la naissance et de la mort sous la surveillance de dispositifs et de technologies biomĂ©dicales qui, aujourdâhui encore, ..
Politiques publiques et intimité face à la maladie grave : Situer le rÎle des proches aidants en Suisse
Ce texte traite de lâemprise que peuvent avoir â ou non â les politiques publiques sur lâengagement des proches auprĂšs de membres de la famille gravement malades, tout particuliĂšrement les conjoints. Lors dâune enquĂȘte anthropologique menĂ©e en Suisse romande (francophone) entre 2012 et 2016, nous avons cherchĂ© Ă comprendre comment ces derniers parvenaient Ă articuler travail, famille et accompagnement et, par consĂ©quent, Ă endosser le rĂŽle de proche aidant promu par les services de santĂ© publique. Sur la base des trente-neuf situations dâaide informelle en fin de vie que nous avons documentĂ©es, nous montrons â en nous appuyant concrĂštement, ici, sur cinq dâentre elles â que les individus situĂ©s en premiĂšre ligne se retrouvent affectĂ©s Ă un espace intime oĂč le partage est parfois difficile, voire impossible. Ce repli dans lâintimitĂ© ne participe pas nĂ©cessairement Ă une quelconque construction de soi ni Ă un renforcement positif des liens affectifs. Il amplifie au contraire les doutes et incertitudes sur lâĂ©volution de la maladie et lâavenir des relations ; ce repli confine les proches aidants dans un espace oĂč les questionnements ne trouvent pas de rĂ©ponse. Dans cette perspective, les diffĂ©rences de trajectoire et de destin entre le malade et les proches se rĂ©vĂšlent dans ce qui peut ĂȘtre partagĂ© et ce qui doit ĂȘtre tu. La sphĂšre intime peut dĂšs lors sâapparenter Ă une zone dâinconfort susceptible de mettre ces proches en porte-Ă -faux avec les programmes de politiques publiques qui cherchent Ă mieux les soutenir et, simultanĂ©ment, Ă les mobiliser pour rĂ©pondre aux dĂ©fis du vieillissement de la population et Ă la chronicisation des maladies.This text explores the role public policies playâor notâin the commitment relatives show to supporting their severely ill family members, especially spouses. During an anthropological study conducted in the French-speaking part of Switzerland between 2012 and 2016, we aimed to understand how the former dealt with the interconnection of work, family and care; and, consequently, take on the role of âfamily caregiverâ that is promoted by public health systems. Based on thirty-nine end-of-life situations that we documented, where informal care was provided, we showâreferring concretely here to five of themâthat the individuals on the frontline are assigned to an intimate space where sharing is challenging, at times even impossible. This withdrawal into intimacy does not contribute to any construction of the self nor to any positive reinforcement of affective bonds. On the contrary, it amplifies doubts and uncertainties regarding the development of the illness and the future of the relations; this withdrawal confines these âfamily caregiversâ to a space where questioning finds no answers. From this point of view, the differences of trajectories and destinies between the sick person and the relatives are to be seen in the interstices of what can be shared and what has to be silenced. The intimate sphere appears then as a zone of discomfort, that can place these relatives at odds with public health programs that strive to better support them and, simultaneously, to mobilize them to face the challenges posed by an aging population and the chronicization of illnesses.Este artĂculo aborda la influencia que pueden tener -o no- las polĂticas pĂșblicas sobre el compromiso de los familiares ante los miembros de la familia gravemente enfermos, en particular los cĂłnyuges. Durante una encuesta antropolĂłgica realiza en Suiza romanda (francĂłfona) entre 2012 y 2016, tratamos de comprender cĂłmo estos Ășltimos lograban articular trabajo, familia y acompañamiento y, consecuentemente, asumir el rol de «cuidador familiar» promovido por los dispositivos de salud pĂșblica. Sobre la base de treinta y nueve situaciones de ayuda informal durante la agonĂa que documentamos, mostramos -apoyĂĄndonos concretamente en cinco casos- que los individuos situados en primera lĂnea se hayan asignados a un espacio Ăntimo en donde compartir es a veces difĂcil y muchas veces imposible. Este repliegue en la intimidad no forma parte necesariamente de alguna construcciĂłn de sĂ-mismo ni a de un refuerzo positivo de las relaciones afectivas. Por lo contrario, amplifica las dudas y las incertitudes sobre la evoluciĂłn de la enfermedad y el futuro de las relaciones: este repliegue los confina en un espacio en donde los cuestionamientos no encuentran respuestas. Desde esa perspectiva, las diferencias de las trayectorias y los destinos entre el enfermo y sus familiares se revelan en los intersticios entre lo que puede ser compartido y lo que se debe callar. La esfera de lo Ăntimo puede, asĂ pues, semejarse a una zona de incomodidad susceptible de situar a los familiares en un saledizo con los programas de polĂticas pĂșblicas que buscan sostenerlos mĂĄs adecuadamente y, simultĂĄneamente, movilizarlos para responder a los retos que conlleva el envejecimiento de la poblaciĂłn y las enfermedades crĂłnicas
Des bénévoles et la mort (mesure et dé-mesure d un engagement)
Ce travail s intĂ©resse Ă l accompagnement offert par des bĂ©nĂ©voles Ă des personnes en fin de vie. En analysant le rĂŽle des bĂ©nĂ©voles dans les institutions hospitaliĂšres et para-hospitaliĂšres, il s agit de mettre en lumiĂšre les constructions symboliques et pratiques autour de la mort et des personnes mourantes. Cette rĂ©flexion part du principe que tous les discours en matiĂšre de mort ne se valent pas. Non pas qu il y en ait des plus lĂ©gitimes que d autres par essence. Mais parce qu ils portent en dĂ©finitive sur des rĂ©alitĂ©s mortuaires diffĂ©rentes et qu ils sont Ă©mis Ă partir de positions changeantes. En ce sens, peut-ĂȘtre qu effectivement ce que vivent les bĂ©nĂ©voles en retirent a une importance pour eux. Ce sont lĂ deux dimensions tout Ă la fois complĂ©mentaires et, en partie, incommensurables. ComplĂ©mentaires, dans le sens oĂč bĂ©nĂ©voles et mourant se retrouvent autour de la survenue imminente d un dĂ©cĂšs ; incommensurable dans la mesure oĂč l un reste et l autre part Bien plus, celui qui reste ne voit son quotidien nullement chamboulĂ© par le dĂ©part de l autre. C est ainsi que peut naĂźtre un rapport positif Ă la mort et aux mourants, oĂč la beautĂ© et le bonheur extatique prennent le pas sur la noirceur et le chagrin. L analyse de cette tension entre souci de soi et souci d autrui permet ainsi d explorer un rapport Ă la mort qui se construit dans les interstices du social et sur un mode mineur.This research explores the activities of volunteers who work with people who are terminally ill and dynig in Switzerland. My research seeks to understand the dynamics of the contemporary relation to death, focusing more specifically on the following two research questions : a)how do the volunteers cope with the constant presence of death in their everyday lives ? b) how does death come to be presented as an attractive outcome in palliative care contexts ?PARIS-MĂ©diathĂšque MQB (751132304) / SudocPARIS-Fondation MSH (751062301) / SudocSudocFranceF
Entre nous, le cancer ::monde du travail et dynamiques familiales autour de l'enfant gravement malade
Lorsquâun enfant tombe gravement malade, ses parents doivent rĂ©amĂ©nager leur mode de conciliation entre sphĂšre privĂ©e et sphĂšre professionnelle afin dâarticuler au mieux travail, famille et soins. Cet article se fonde sur une recherche anthropologique menĂ©e en Suisse durant plus de trois ans auprĂšs de parents, de proches, de collĂšgues et de supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques pour analyser les incidences que ces rĂ©amĂ©nagements produisent tant sur le monde du travail que sur les dynamiques familiales. Sâappuyant sur lâexemple helvĂ©tique oĂč les personnes salariĂ©es nâont droit quâĂ trois jours pour organiser la garde de leur enfant malade, il documente les pouvoirs discrĂ©tionnaires qui sont Ă lâĆuvre entre employĂ©s et employeurs dans ces situations, ce qui induit une gestion au cas par cas. Ce constat, loin de se limiter aux pays qui nâont pas mis en place de mesures lĂ©gales de soutien Ă ces parents, dĂ©note une faille des arrangements contemporains entre Ătat, entreprises et familles dans la prise en charge des enfants, en particulier ceux qui sont malades du cancer ; cette faille sâopĂšre au dĂ©triment de ces parents.When a child becomes severely ill, parents are forced to revisit how they balance their private and professional lives in order to best apportion tasks related to work, family, and care for the sick child. This article is based on an anthropological study conducted in Switzerland over a period of more than three years involving parents, other family members, colleagues, and superiors; its aim was to analyze the impacts of changes brought about by the childâs illness on the parentsâ employment situation and on family dynamics. Using the example of Switzerland, where salaried employees are entitled to only three daysâ paid leave to arrange for the care of a sick child, it highlights the discretionary powers that characterize negotiations between employees and employers in these situations and illustrates that, as a result, they are handled on a case-by-case basis. This finding, which is not limited to countries that lack legal support measures for such parents, points to significant failings in how todayâs states, employers, and families make arrangements to care for sick children, in particular those who suffer from cancer; it is the parents of these children who fall through the cracks