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Étude d’un genre cérémoniel de la tradition orale ajië, le vivaa (Nouvelle-Calédonie)
La littérature orale kanak demeure largement méconnue. Il est vrai qu’il s’agit souvent de textes difficiles, comme les discours traditionnels en langue ajië nommés vivaa. Ces « discours de coutume » sont prononcés lors des cérémonies de naissance, de mariage ou de deuil, ainsi que dans d’autres occasions de la vie sociale. La parole accompagne toujours le don rituel, selon des conventions bien précises. Le vivaa est un genre poétique, comme en témoigne la présence d’un rythme spécifique et d’une langue hautement métaphorique. Dans cette culture, les paroles cérémonielles ont une puissance évocatrice telle qu’elles possèdent une efficacité de type magique. Le contenu des discours est l’objet d’une recherche de consensus social. L’orateur, par des allusions historiques et sociologiques, cherche en effet à renforcer les alliances entre les clans et à régler la question des statuts. L’obstacle majeur à l’interprétation de ces oeuvres reste cependant l’ancienneté de leur composition, la société kanak ayant fortement évolué sous l’effet de la colonisation française. Le rôle de l’écriture, dans le maintien de cette tradition orale, semble alors être de renouveler la création poétique.Kanak oral literature is still quite underrated. To tell the truth, traditional texts like ajië speeches, the so-called vivaa, are very complicated. Those «custom speeches» are told for birth, wedding and funeral ceremonies, and in other occasions of the social life. Words always go with ritual gift, according to specific conventions. The «vivaa speech» has a special rythm and proceeds always allusively; it’s a kind of poetic performance. Moreover, in this culture, ceremonial speech is efficient and appears to be rooted into magic thought. The speech content depends on a social consensus. Indeed, by allusions to the history, the orator tries to strengthen alliances between clans and to deal with the problem of social status.However, those pieces of poetry have been composed a long time ago and it causes difficulty in reading, because kanak society has much changed under the influence of french colonization. Then, writing can safeguard this oral tradition and revive poetic creation
Le pays invisible
Dans la société kanak, en Nouvelle-Calédonie, de nombreuses cérémonies « coutumières » sont organisées pour marquer les événements importants de la vie communautaire : mariages, funérailles, fête de l’igname, etc. Des discours convenus et des dons sont échangés, selon un protocole précis. Ces discours, nommés vivaa dans l’aire culturelle ajië, nous renseignent sur la façon dont la mort est représentée dans cette culture.On voit en effet à travers ces œuvres orales que les morts continuent de jouer un rôle essentiel dans la société des vivants. D’une part, dans le vivaa, l’orateur utilise les schèmes de la montée pour atteindre les esprits des ancêtres, afin que ceux-ci fassent descendre sur les hommes leurs bienfaits. Le discours est un moyen de contact avec le monde de l’au-delà , par la verticalité des images. D’autre part, les descriptions de ce pays invisible abondent dans ces textes, où l’on suit le chemin du défunt vers l’autre monde. Son entrée au pays des morts correspond à un rituel de passage, et l’énonciation du vivaa est un élément indispensable au bon déroulement de l’ensemble des rituels funéraires. Enfin, les anciens rituels de deuil et de levée de deuil montrent à quel point la personnalité sociale du mort engage toute sa parenté, paternelle et maternelle, à entretenir des relations institutionnalisées, qui se manifestent par l’accomplissement de certains rituels d’inversion des statuts.Among the Kanak of New Caledonia, numerous traditional ceremonies are organized to mark important events in community life: marriages, funerals, feast of the yam, etc. Conventional discourses and gifts are exchanged, based on a precise set of protocols. The discourses, identified as vivaa in the ajië cultural area, provide us with valuable information on the manner in which death is represented in this culture.Indeed, through these oral texts we see that the dead continue to play an essential role among the living. On the one hand, in the vivaa, the orator uses “ascending schemes” to reach the spirit of the ancestors, so they can let their goodwill descend over mankind. By the verticality of its images, this discourse is a means of contact with the otherworld. On the other hand, descriptions of this invisible land abound in the texts, where we follow the path of the deceased toward the otherworld. His entry into the world of the dead corresponds to a rite of passage, and the vivaa is indispensable to the good evolution of all the funeral rites. The ancient funerary rites and those marking the end of the mourning period demonstrate the extent to which the social profile of the deceased engages his entire family, both paternal and maternal, in maintaining institutional relations, manifested in the accomplishment of certain rites in which social statuses are inverted
Paroles de jeux, paroles de crise
À l'image de cette photographie, où la bulle de savon, soufflée par un jeune homme, éclate, se divise en de multiples petites bulles, les paroles se modifient, s'éparpillent, se gaspillent, ou se transforment parfois en petites torpilles amusantes ou plus blessantes... C'est ainsi que ce numéro part à la découverte de paroles de jeux et de paroles de crise, qu'elles soient indonésiennes ou nigériennes, grecques, éthiopiennes ou calédoniennes. Ces discours visent à agir sur l'énonciataire bien sûr mais aussi sur l'énonciateur lui-même, à vif ou en mémoire discursive. C'est pourquoi, si les articles que nous proposons sont centrés sur l'échange immédiat - « la disposition à interagir avec autrui » qui constitue « l'un des aspects de la socialité » (Hanks, 2009 : 87) -, ils abordent aussi la mémoire des paroles et son retentissement dans une durée qui outrepasse le seul temps de l'interlocution