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Un modèle théorique pour éclairer des histoires d’engagement dans la vulgarisation
International audienceEn France, la vulgarisation est inscrite dans les missions des établissements publics scientifiques et techniques. Elle est également une mission du métier de chercheur. Et pourtant, certains vulgarisent et d'autres non. Pourquoi ? Quelles sont les raisons invoquées par les uns ou les autres ; quels sont les contextes, incitations, barrières, croyances ou histoires qui peuvent expliquer qu'un chercheur s'engage ou non dans la vulgarisation ? Nous nous intéressons particulièrement aux facteurs qui pourraient influencer l'engagement de doctorants dans cette pratique de communication. Pour cela, nous utilisons une théorie phare de la psychologie sociale : la théorie du comportement planifié. Sériant plusieurs facteurs, cette théorie offre un classement hiérarchique des influences de l'intention de s'engager. Elle se base sur un questionnaire fermé (utilisant principalement des notations sur échelles), analysé par une procédure statistique. Dans cet article, nous proposons de présenter notre utilisation de cette théorie. Au-delà de la prévision offerte par le processus, nous nous servons de ses résultats pour mieux diagnostiquer des comportements au cas par cas. Il s'agit d'une utilisation qualitative d'une démarche quantitative. Nos analyses contribuent également à aiguiser notre façon d'interviewer des jeunes chercheurs s'engageant ou non dans des pratiques de vulgarisation scientifique
Les bénéfices négligés de la vulgarisation scientifique
International audienceWhat can be the benefits, for a researcher, from popularizing his or her research to the public? Since the 1970s, Baudouin Jurdant has provided theoretical insights into the effects of popularization on the researcher’s thinking. To identify those effects, I explore verbatim responses from past surveys interviewing re- searchers. Although those generalist surveys place little emphasis on the question of benefits, traces of personal and professional effects can be extracted and ana- lysed. Those traces, from which I extract five types of ‘benefits’, provide a basis for organizing field observations focused on certain popularization activities. The activities can bring about unexpected processes such as reassurance for research- ers and a remotivation for their work. For young researchers, clarification of their field of study is also an attainable benefit. Considering these retroactive benefits right from the design of a public engagement activity makes it possible to envis- age a new way of conceiving research–society relations.Quels peuvent être les bénéfices, pour un chercheur, de vulgariser sa recherche auprès du public ? Depuis les années 1970, Baudouin Jurdant a apporté un éclairage théorique sur les effets de la vulgarisation sur la pensée du chercheur. Pour identifier ces effets, nous explorons les verbatim d'enquêtes passées interrogeant les chercheurs. Bien que ces enquêtes généralistes mettent peu l'accent sur la question des bénéfices, des traces d'effets personnels et professionnels peuvent être extraites et analysées. Ces traces, dont il est extrait cinq types de "bénéfices", servent de base à l'organisation d'observations de terrain centrées sur certaines activités de vulgarisation. Les activités peuvent engendrer des processus inattendus tels qu’un réconfort pour les chercheurs et une remotivation pour leur travail. Chez les jeunes chercheurs, la clarification de leur champ d'étude est également un bénéfice atteignable. Considérer ces bénéfices rétroactifs dès la conception d’une action de vulgarisation permet d’envisager une nouvelle façon de concevoir les relations recherche – société
La vulgarisation scientifique et les doctorantsMesure de l'engagement - exploration d'effets sur le chercheur
We ask two questions: what are the factors that influence researchers’ public engagement activities (PEA)? And what are the impacts of these activities on the researcher? After presenting a historical overview of PEA, we analyze 20 surveys carried out between 1967 and 2014. We identify some global trends: PEA is generally positively perceived, researcher’s engagement is occasional but robust. Besides those trends some differences appear between studies based on theoretical models and empirical studies: the latter report complaints such as lack of time or lack of recognition, whereas theoretical-based ones challenge these statements.To further explore our two questions, we used two approaches. First, we developed a survey based on the Theory of Planned Behavior and administrated it to a corpus of PhD students at the University of Burgundy. Second, taking advantage of my experience as head of Experimentarium (a PEA addressed to PhD students) we developed a qualitative study. The survey shows key engagement factors: past behavior, attitude toward PEA, and the opinion of colleagues (subjective norms). Beyond these general trends, multifactorial analyzes reveal inter-individual differences allowing for case-by-case diagnostic. The qualitative study highlight again the influence of attitude, the pleasure to participate in PEA, as well as the importance of socialization. Furthermore, the importance of "caring" for PhD students involved in PEA is crucial, it leads to a dynamic of reassurance - renewed motivation for their research. Uplifting PEA carried out with peers, encouragement of the public, greater ability to express themselves, reinforce the researcher's experience and energize them to continue their scientific work. More generally, some PEA increase the meaningfulness of the scientific practice.Finally, we propose a model differentiating three communication postures, based on "peels of identity": the self, the researcher, the presenter. This model describes potential effects of communication postures on both researchers and public. This model leads to the concept of reflexivity, constituting of situations of outreach and which can cause certain effects on the researcher. These reflections invite us to think of PEA, not as a task or a duty to fulfill, but as a situation which - if prepared, observed, adjusted and therefore reflexive - can be a source of emancipation for the researcher.Nous posons deux questions: quels sont les facteurs qui influencent l’engagement de chercheurs dans la vulgarisation ? quels effets, pour lui-même, un chercheur peut-il tirer de la vulgarisation? Après un historique brossant différents paradigmes de la communication publique des sciences, nous explorons 20 enquêtes réalisées entre 1967 et 2014. Celles-ci interrogent les chercheurs. Nous les critiquons une à une et dégageons certaines tendances. La vulgarisation a globalement « bonne presse » et l’engagement des chercheurs est sporadique mais robuste. Les études de type « enquête d’opinion » tendent à laisser déclarer le diagnostic aux chercheurs eux-mêmes, d’autres utilisent des modèles théoriques, moins déclaratifs, et des divergences apparaissent. Certaines enquêtes relaient des plaintes telles que le manque de temps ou le manque de reconnaissance, alors que l’usage de méthodes d’enquête à cadrage théorique tord le cou à ces déclarations. La question des effets n’est pas analysée. Pour explorer plus avant nos deux questions, nous utilisons deux démarches. D’une part, adapter un modèle théorique, la théorie du comportement planifié, au corpus des doctorants de l’université de Bourgogne ; d’autre part, profiter de mon expérience de responsable de l’Experimentarium, programme de vulgarisation qui, depuis 17 ans, engage des doctorants. L’enquête utilisant la théorie du comportement planifié détermine des facteurs d’engagement principaux: le comportement passé, l’attitude envers la vulgarisation et l’avis des collègues. Au-delà de tendances générales, des analyses multifactorielles permettent de mieux cerner, au cas par cas, les facteurs qui influencent l’engagement de chacun. Chaque doctorant a une histoire. L’observation de l’Experimentarium appuie l’influence de l’attitude, du plaisir à vulgariser, ainsi que l’importance de la socialisation conséquente de certaines actions de vulgarisation. Ces critères sont à la fois facteurs d’engagement et effets pour le chercheur. L’importance de « prendre soin » des doctorants vulgarisateurs est déterminante. Elle conduit à une dynamique réconfort - remotivation du doctorant pour sa recherche : l’action de vulgarisation réjouissante menée avec des pairs (à qui on peut parler), l’encouragement du public, l’acquisition d’aptitudes pour mieux s’exprimer et cerner son sujet contribuent à « faire exister » le vécu du chercheur et à le dynamiser dans son travail scientifique. Plus généralement, certaines actions de vulgarisation gonflent la pratique scientifique de sens. In fine, nous proposons un schéma définissant trois postures communicationnelles, basées sur des « pelures d’identité » : le soi, le chercheur, le présentateur. Ce schéma explique des effets potentiels en fonction de situations de vulgarisation. Les dynamiques de communication sont causes et conséquences d’ajustements sur ces postures et de la porosité de ces pelures d’identité. Cette schématisation conduit à aborder le concept de réflexivité, constitutif de situations de vulgarisation et qui peut provoquer certains effets sur le chercheur. Ces réflexions invitent à penser la vulgarisation, non comme une tâche ou un devoir à remplir, mais comme une situation qui – si elle est préparée, observée, ajustée et donc réflexive – peut être source d’émancipation pour le chercheur
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