173 research outputs found
Tocqueville face au thÚme de la « nouvelle aristocratie » : la difficile naissance des partis en France
Lâun des facteurs expliquant les lenteurs et les rĂ©ticences pour instituer des partis politiques en France se trouve dans lâhistoire dâune notion omniprĂ©sente au 19e siĂšcle : la " nouvelle aristocratie ". Longtemps les courants politiques et les auteurs confondent la question de la classe gouvernante, celle de lâorganisation du suffrage et celle dâune sociabilitĂ© Ă inventer pour dĂ©passer lâatomisme lĂ©guĂ© par la RĂ©volution française. La " nouvelle aristocratie " rĂ©pond confusĂ©ment Ă ces trois attentes, comme on le voit chez Guizot, en polĂ©mique avec Tocqueville, et chez Tocqueville lui-mĂȘme, qui rĂ©fute la notion, mais ne conçoit pas vĂ©ritablement lâorganisation partisane moderne. Câest Ernest Duvergier de Hauranne qui jette les bases dâune conception du parti comme instance de programme, agent de mobilisation du vote et producteur de notables locaux au service du parti. En Ă©tudiant les Ătats-Unis (1866) et lâAngleterre (1868), il se sĂ©pare clairement du fantĂŽme persistant chez les OrlĂ©anistes de la " nouvelle aristocratie ".The theme of the "new aristocracy" addressed by Tocqueville. On the obstacles to the development of French political parties
"New aristocracy" is an omnipresent notion in 19th c. French political culture. It is also an explanatory factor for the weak and reluctant process of creating political parties. For a long time, political groups and writers confused three issues: the governing class, the election process, the new sociability required by post-revolutionary French atomism. As can be seen in the polemics between Guizot and Tocqueville, the "new aristocracy" was a confused means to address these three problems. Tocqueville himself refuted the very notion, but did not create the modern party system. Ernest Duvergier de Hauranne conceived of parties as a means of planning policy, mobilising the electorate, and generating local elites who are, conversely, the willing agents of the political program the party decided. In studying America (1866) and Great Britain (1868), he distances himself from the ghosts of the Orleanists of the "new aristocracy"
Robespierre chez Machiavel ?:Le culte de lâĂtre suprĂȘme et le « retour aux principes »
En vertu de sa lĂ©gende noire, Machiavel pouvait ĂȘtre tenu pour un vĂ©ritable repoussoir par les acteurs de la RĂ©volution française (1789-1799). Ce fut effectivement le cas chez Robespierre qui a citĂ© plusieurs fois lâauteur du Prince comme lâexacte antithĂšse du processus de moralisation opĂ©rĂ© par la rĂ©volution montagnarde de lâan II. La bonne rĂ©fĂ©rence Ă ses yeux Ă©tait Jean-Jacques Rousseau, «ce philosophe formĂ© par le malheur» (aux Jacobins), ce «prĂ©cepteur du genre humain» (discours du 18 florĂ©al an II), qui usait dâune «éloquence mĂąle et probe» pour faire aimer la vertu. Selon Robespierre et Saint-Just, la probitĂ© est le tĂ©moignage visible de la vertu: elle implique la transparence des actes, la justesse de lâintention, la responsabilitĂ© assumĂ©e devant tous. Tandis que les «ennemis du peuple» sâavancent masquĂ©s, lâhomme probe ne dissimule pas: «Le patriote nâest autre chose quâun homme probe et magnanime dans toute la force du terme». Le machiavĂ©lisme constitue la nĂ©gation de cet ethos politico-moral. [Premier paragraphe de l'article]Can we compare Robespierreâs and Machiavelliâs thinking? Robespierre himself spoke in various occasions of Machiavelli as a model for tyranny, despotism, evil in ethics and politics - just the contrary for the conduct he praised during the French Revolution. Nevertheless, some aspects of the Robespierrist discourse (especially during the spring of 1794) can evoke Machiavelli: the âreturn to basic principlesâ is a necessity for the collective salvation, the worship of âlâEtre SuprĂȘmeâ is essential in the life of a Republic (aâvertuous republicâ according to Maximilien Robespierre). Concerning this point, civic religion, Robespierre knew very well the page by Jean-Jacques Rousseau, and the quotation made by him of Machiavelliâs Discorsi. So, it can be fruitful to give an interpretation of the famous cult celebrating the Supreme Being and the immortality
of the soul, in the French context as much as in the Machiavellian perspective
Tocqueville et Guizot:LâAmĂ©rique et lâaristocratie (une controverse)
Une sorte de dialogue entre Tocqueville et Guizot a existĂ©, sans ĂȘtre Ă©tudiĂ©, sur la notion dâaristocratie en AmĂ©rique comme en France. Pour Guizot, la RĂ©publique des Ătats-Unis nâest pas une dĂ©mocratie, car les « gentlemen » sont prĂ©sents Ă divers niveaux, tandis que, pour Tocqueville, seuls les « lawyers « constituent un Ă©lĂ©ment aristocratique. En rĂ©alitĂ©, la controverse a existĂ© avant et aprĂšs la rĂ©volution amĂ©ricaine, du fait notamment de John Adams, futur prĂ©sident des Ătats-Unis. Ce dĂ©bat est plutĂŽt un rĂ©vĂ©lateur de la France et de sa façon de considĂ©rer les Ă©lites et lâĂtat.There is a kind of dialogue that has not been studied between
Tocqueville and Guizot concerning the notion of aristocracy, not only in France
but also in America. According to Guizot the United States are not a democratic
Republic because « gentlemen » are in function at various levels, whereas
Tocqueville sees lawyers as the unique aristocratic element. In fact, the
controversy has existed before and after the American revolution, due to John
Adams, the future president of America. This controversy is indicative of the
French manner of considering the state and social elites
Tocqueville et le problÚme du pouvoir exécutif en 1848
CantonnĂ© dans un rĂŽle oppositionnel sous la monarchie de Juillet, Tocqueville trouve dans la pĂ©riode 1848-1851 l'occasion de soumettre Ă l'application sa rĂ©flexion politique et historique. Membre de la commission de Constitution, il exerce plus d'influence qu'on ne l'a gĂ©nĂ©ralement dit, et si les modalitĂ©s qu'il propose sont tributaires des circonstances, elles s'Ă©clairent Ă©galement par l'analyse du thĂ©oricien. Mais la pensĂ©e et l'action de Tocqueville rencontrent une sĂ©rie de contradictions, tenant Ă sa propre position rĂ©publicaine et au jeu des forces du moment. En outre, rĂ©apparaĂźt dans cette pĂ©riode un problĂšme ressenti, Ă tort ou Ă raison, comme rĂ©current dans l'histoire française depuis la RĂ©volution : libĂ©rer l'exĂ©cutif rĂ©publicain de l'hypothĂšque monarchique. Cette Ă©tude sur Tocqueville contribue Ă replacer en perspective certaines controverses concernant la CinquiĂšme RĂ©puÂblique
Le public et le privé chez les Jacobins (1789-1794)
La tension entre le public et le privé, sous le signe de la dévalorisation de ce dernier, constitue un
élément clef de la vision jacobine, ainsi que l'un des traits durables qu'elle a imprimés sur la culture
politique française. Les exemples étudiés concernent l'opinion, les moeurs, le culte républicain et la
propriété ; on examine comment le discours jacobin tente de rationaliser une extension de la sphÚre
publique dans ces domaines. Dans la mesure oĂč le thĂšme du droit naturel fournit le soubassement de
l'argumentation avancée, c'est d'abord l'esprit général de la Déclaration des droits de 1789 qu'il
convenait d'interroger : le texte célÚbre excluait-il d'avance, ou bien pouvait-il permettre un tel
resserrement du domaine privé ? Il s'avÚre que le jacobinisme utilise les ambiguïtés qui traversent la
Déclaration fondatrice, non sans y ajouter cependant des infléchissements spécifiques. La démarche
adoptée ne sépare pas l'analyse des pratiques effectives et celle des justifications discursives et
idéologiques, ou de la culture politique du 18e siÚcle français ; elle s'inscrit dans une recherche en
cours de thĂ©orie politique, s'appuyant sur l'Ă©tude de matĂ©riaux historiques (dĂ©bats parlementaires, ou Ă
la Société des Jacobins, libelles, etc.) et concernant les origines de la République moderne
La théorie de la « personne fictive » dans le Léviathan de Hobbes
Le concept hobbien de «personne fictive ou artificielle» sous-tend une vision originale de la représentation. Le concept superpose trois noyaux sémantiques et organise un surprenant renversement: si la « multitude » institue contractuellement l'Etat, c'est l'Etat qui institue « le peuple ». Il ne peut donc s'agir dans le Léviathan, ni de ce qu'on appelle habituellement une pure « métaphore », organiciste et artificialiste, ni d'une vision juridique de l'Etat à titre de « personne morale ». Avec Hobbes, l'Etat devient « fictif », c'est-à -dire humain, sécularisé et institué, mais réel, de cette réalité incontour-nable qui fait que les hommes
obéissent à ce qu'ils ont créé. A la fois précurseur d'un gouvernement au nom du Peuple (dont la France révolutionnaire proclamera l'existence), et modÚle pur du Pouvoir, le Léviathan devrait entrer dans toute réflexion sur la politique moderne et la démocratie d'aprÚs 1789. Il resterait à montrer en quoi Hobbes se rattache, mais surtout s'oppose, à la pensée politique anglaise de son temps, par cette théorie de la souveraineté comme « personne fictive » du peuple : complément qui fait l'objet d'une recherche en cours
Entre droit de lâĂtat et droits de la sociĂ©tĂ© : le choix de Tocqueville
Droit de lâEtat et droits de la sociĂ©tĂ© : la question ainsi formulĂ©e revient Ă analyser la situation de Tocqueville par rapport Ă un dĂ©bat essentiel de son temps. Sur le plan de la mĂ©thode dâapproche, il sâagit ici dâĂ©carter un danger dans le fond et dans la forme : traiter cet auteur et cet acteur politique comme de plain-pied avec notre temps, pratiquer une lecture de « familiaritĂ© », en rĂ©alitĂ© propice aux contresens et aussi aux manoeuvres de « recrutement idĂ©ologique ». Je ne propose pas non plus de lire Tocqueville comme sâil Ă©tait un philosophe, prenant place dans la galerie des philosophes du politique, mais comme un thĂ©oricien de la dĂ©mocratie qui se tient en alerte sur les enjeux importants de son Ă©poque et qui, pour cela, pratique la comparaison entre la RĂ©publique amĂ©ricaine et la monarchie constitutionnelle française. Mais, insister sur lâhistoricitĂ© de la pensĂ©e de Tocqueville nâimplique pas de lui attribuer un caractĂšre
« périmé » (...)
« Libéralisme » : un répertoire de fausses évidences
Rapport réalisé dans le cadre du BaromÚtre politique français, Enjeux et analyses, élections 2007 (hiver 2007
Les droits contre la loi ? : une perspective sur lâhistoire du libĂ©ralisme
Ă travers une histoire philosophique de lâidĂ©e de loi, lâarticle prĂ©sente le tournant adoptĂ© par le libĂ©ralisme sur le continent et spĂ©cialement en France, entre sa formation au 17e siĂšcle et sa rĂ©alitĂ© aujourdâhui, appuyĂ©e sur lâintervention croissante du judiciaire. Un « libĂ©ralisme des droits », oĂč le pouvoir judiciaire devient un acteur plus actif que le lĂ©gislateur, a remplacĂ© le « libĂ©ralisme par la loi » des grands classiques (Locke, Montesquieu, Kant). Dans la conception originaire, câest lâobligation du citoyen envers la loi qui est dĂ©cisive pour la libertĂ© commune ; dans la conception actuelle, câest la capacitĂ© du citoyen Ă faire valoir ses droits, Ă©ventuellement ses diffĂ©rences et son identitĂ©, qui lâemporte. La « RĂ©publique des droits diffĂ©renciĂ©s » est devenue notre problĂšme, dans la thĂ©orie (Ă inventer) comme dans les dĂ©veloppements pratiques, et le « libĂ©ralisme rĂ©publicain » des temps actuels est encore un objet non identifiĂ©."Through a philosophical history of the idea of law, the paper presents the shift that liberalism took on the continent and particularly in France, between its formation in the 17th century and its reality today, backed up by the growing involvement of the judiciary. A "liberalism of rights" in which the legal power has become a more active player than the legislator has replaced the "liberalism by law" of the great classics (Locke, Montesquieu, Kant). In its original conception, it is the citizenâs obligation towards the law which is decisive for common liberty; in its present conception, itâs the citizensâ ability to make their rights and even differences and identity known that is more important. The "Republic of differentiated rights" has become our problem, in theory (to invent) as well as in its practical developments, and "republican liberalism" in the present day is still an unidentified object.
Introduction
Les quatre contributions qui sont présentées ici ont pour point commun de se
référer à un texte 1) relativement bref, 2) riche en pensée ou en concepts politiques, 3) intervenant dans
une conjoncture historique déterminée : le pouvoir des Médicis à Florence dans une période cruciale, la
fin de la Constituante sous la Révolution française, un moment important de la monarchie de Juillet, la
pĂ©riode qui prĂ©cĂšde la marche sur Rome de Mussolini. Dans ces quatre cas, il sâagit dâun exercice
dâinterprĂ©tation conduit sur un texte que lâon peut caractĂ©riser comme « texte dâintervention politique ».
Soit les propos à analyser sont prononcés par un orateur et transcrits ensuite (Le Chapelier en 1791,
Casimir Périer en 1831, Mussolini en septembre 1922)1, soit ils ont été écrits posément par un auteur,
pour influer sur un lecteur jugĂ© de grande importance (Machiavel Ă©crit au pape LĂ©on X, Ă lâintention du
cardinal Jules de MĂ©dicis). [Premier paragraphe
- âŠ