162 research outputs found
Bruce G. Trigger, Sociocultural Evolution. Calculation and Contingency
On pouvait attendre beaucoup d’un essai de Bruce Trigger défendant la notion d’évolution socioculturelle pour répondre aux assauts du relativisme contemporain. En ce domaine, en effet, l’auteur n’est pas le premier venu : situé à la jonction de l’histoire, de l’archéologie et de l’ethnologie, matérialiste parfois réservé à l’égard de certaines témérités réductionnistes, il incarne un point de vue à la fois classique et typiquement anglo-saxon auquel les débordements de la sociobiologie et du ..
Le syndrome Micromégas
L’expérience historique montre que, régulièrement, les débats théoriques sur le rapport nature/culture s’immobilisent en des antagonismes bipolaires et que ceux-ci se superposent comme s’il n’y avait en définitive qu’un seul duel avec de multiples facettes. Nous sommes tellement habitués à cette situation que nous finissons par la ressentir comme une évidence implacable. Au mieux, nous l’interprétons comme l’issue d’une confrontation idéologique permanente. Cependant, on oublie alors qu’une confrontation de cette sorte ne peut s’installer qu’en obtenant un minimum de garanties de part et d’autre : il faut que les ennemis soient tacitement d’accord sur certaines « règles du jeu ». Ou, plus exactement, sur les façons d’enfreindre celles qui devraient prévaloir dans le jeu scientifique. La plus importante de ces règles, sans doute, consiste à accepter que les questions se déplacent sans contrôle d’une échelle de réalité à l’autre, d’un niveau de structuration à l’autre : du microcosme au macrocosme. Or, chaque interrogation appelle un cadre de référence spatial et temporel qui est nécessaire au contrôle de sa teneur. Et elle se transforme au fur et à mesure que l’on modifie ou que l’on déplace ce cadre. À travers quelques débats fameux sur les « causes » du cannibalisme, cet article montre comment la discussion scientifique demeure muselée par un manque de surveillance sur ce plan et comment elle est artificiellement immobilisée par le refus général de distinguer des cadres de référence différents pour des questions s’attachant à des aspects incommensurables de la causalité.The Micromegas Syndrome Historical experience shows that theoretical debates on the relationship nature/culture regularly come to a halt along bipolar antagonisms and these are superposed as if there were in reality a single duel with multiple aspects. We are so used to this situation that we end up feeling it is absolutely obvious. At best, we interpret it as the result of a permanent ideological confrontation. However, we then forget that such a confrontation can be established only by obtaining minimum guarantees from one side or the other : enemies have to tacitly agree on certain « rules of the game » or more precisely, on how to break the meaningful rules in the scientific game. The most important of these rules is no doubt accepting that questions shift independently from one scale of reality to another, from one design level to another : from microcosm to macrocosm. Or, each questioning calls for a spatial and temporal reference frame that is necessary to control its terms. And it transforms itself according to whether it is modified or shifted in this frame. Through some well know debates on the « causes » of cannibalism, this article shows how scientific discussion remains bound by a lack of survey on this level and how it is artificially immobilized by the general refusal to distinguish different reference frames for questions bound to the immeasurable aspects of causality
Tim Ingold, The Perception of the Environment. Essays in Livehood, Dwelling and Skill
Auteur et éditeur prolifique, universitaire marginal mais écouté, théoricien hors école mais reconnu, polémiste tranquille mais redouté, Tim Ingold s’impose aujourd’hui comme un personnage à part de l’anthropologie sociale anglo-saxonne. D’autant plus qu’il travaille souvent dans un domaine où les réflexions caricaturales, les replâtrages idéologiques et les coups d’épée dans l’eau tendent à envahir la littérature scientifique : les relations entre les sociétés et leurs environnements. Les ex..
Retour aux modes de production, sans contrĂ´le philosophique
La problĂ©matique marxiste a rĂ©vĂ©lĂ© son inconÂtestable supĂ©rioritĂ© en ethnologie Ă©conomique avant de s’effondrer pour des motifs fort Ă©loignĂ©s de l’activitĂ© scientifique. Comme aucune autre approche n’a pu la remplacer de façon convenable, l’ethnologie Ă©conomique elle-mĂŞme se retrouve sinistrĂ©e. Il est grand temps de revenir Ă la mĂ©thode d’analyse des modes de production, en profitant de ce qu’elle a cessĂ© de supporter des joutes scolastiques, l’objectif Ă©tant de chercher comment elle peut ĂŞtre utile Ă la sociologie comparative, et non plus l’inverse. Entre procès de travail concurrents et dualitĂ©s des modes de production, l’étage des procès de production a Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©, bien qu’il conditionne l’interdiscipliÂnaritĂ©, notamment avec la technologie culturelle et l’écologie humaine. La complĂ©mentaritĂ© de deux sources d’illustrations est ici mise Ă profit : les Corbières viticoles (Languedoc) et la forĂŞt centrafricaine près de la Lobaye.The Marxism proved beyond all doubt its superiority for studies in economical anthropology, before it collapsed, for reasons far from science. As no other approach has usefully replaced it, economic anthropology is in ruins. It is time to return to the analysis of the modes of production, since it stopped supporting scholastic jousting. The aim is to find how such analysis can help, not harm, comparative sociology. Between rival processes of labour and dualities of modes of production, the processes of production have been overlooked, although they are the only way toward interdiciplinarity, especially with cultural technology and human ecology. Two complementary examples are presented to illustrate the debate: the wine-growing Corbières area in France and the Centrafrican forest near the Lobaye
Les techniques, entre tradition et intention
Bien qu’unanimement admise par les chercheurs concernĂ©s, la dĂ©finition des techniques donnĂ©e par Marcel Mauss recèle un dĂ©faut que les recherches contemporaines rendent de plus en plus apparent et qui, par consĂ©quent, ne peut manquer de devenir embarrassant. Ses trois critères essentiels —tradition, efficacitĂ©, connaissance— ne sont pas toujours compatibles. Cette brève rĂ©flexion tente d’établir les raisons de cette difficultĂ© et propose une dĂ©finition qui se place en deçà du dĂ©bat thĂ©orique qu’elle dissimule.Techniques, between tradition and intention. Though Marcel Mauss’s definition of techniques is unanimously accepted by researchers, contemporary studies clearly reveal a flow which becomes obviously embarrassing. The three criteria of tradition, efficiency and knowledge are not always compatible. This short article tries to establish the reasons of this problem, proposing a definition to go beyond the theoretical debate.Las tĂ©cnicas, entre tradiciĂłn e intenciĂłn. Aunque los investigadores unánimos la aceptan, la definiciĂłn de las tĂ©cnicas por Marcel Mauss ocultaba un defecto que los estudios contemporáneos hacen cada vez más evidente y que forzozamente se esta volviendo entorpecedor. Sus tres criterios esenciales —tradiciĂłn, eficacia, saber consciente— no son siempre compatibles. La reflexiĂłn del autor procura evidenciar las raĂces de esta dificultad y propone una definiciĂłn situada más acá de un debate disimulado
L’Invention de la culture.
Roy Wagner, L’Invention de la culture. Trad. de l’anglais (États-Unis) par Philippe Blanchard. Bruxelles, Zones sensibles, 2014, 230 p. notes bibliogr., index En règle générale, la traduction tardive d’un classique anglo-saxon provoque un soupir devant les lenteurs de l’édition en langue française. Toutefois, il arrive que ce décalage, a priori regrettable, permette de tirer parti du temps écoulé pour soumettre une pensée prestigieuse à un réexamen impromptu : un regard à rebrousse-poil, prop..
Retour sur « Retour aux modes de production, sans contrôle philosophique »
Campement pygmĂ©e Nos vifs remerciements Ă Claude-Marcel Hladik pour cette photographie prise en Lobaye (Centrafrique) vers 1983. De toute Ă©vidence - mais, pour une fois, l’évidence ne ment pas -, la technologie cultuÂrelle et l’anthropologie Ă©conomique ont beaucoup Ă se dire. Elles devraient aussi avoir beaucoup de choses Ă dire ensemble. HĂ©las, une sorte de malĂ©diction a pesĂ© sur leur relation au cours de la seconde moitiĂ© du xxe siècle : le dialogue et la coopĂ©ration entre ces deux secteur..
Sciences cognitives et sciences sociales : de l’aversion théorique à la normalisation scientifique ?
Parce qu’elles n’ont jamais rĂ©ussi Ă s’entourer du cadre d’une « science normale », les sciences humaines sont perpĂ©tuellement exposĂ©es Ă des offensives Ă©pistĂ©mologiques visant Ă constituer en elles un noyau de disciplines avides, dans un premier temps, d’échapper Ă ce dĂ©sordre chronique et, dans un second temps, d’y remĂ©dier. Il est Ă cet Ă©gard instructif de comparer les procĂ©dĂ©s des « sciences cognitives » Ă ceux utiÂlisĂ©s par la sociobiologie. Elles partagent au moins un point commun : les sciences sociales sont d’abord exclues de la structure nouvelle et ne peuvent ensuite coopĂ©rer qu’en acceptant ses règles de fonctionnement, ce qui les conduit Ă se retrouver en position d’élèves. Les sciences cognitives se construisent-elles dans les sciences humaines ou face Ă elles ? Avec les sciences sociales ou en dĂ©pit d’elles ? Ambitionnent-elles de forger  par rapport aux configurations institutionnelles actuelles une structure pluridisciplinaire complĂ©mentaire ou concurrente ? Elles profitent en tout cas de leur ambiguĂŻtĂ© sur ces questions et il est urgent que l’anthropologie sociale se demande si elle doit subir ou affronter leur succès.Since they were never able to surround themselves with a framework of a « normal science », human sciences are constantly exposed to epistemological attacks aiming at constituting inside them a bunch of disciplines which are at first anxious to escape this chronic anarchy and then to provide a remedy to it. It is instructing to compare the processes used by « cognitive sciences » to those used by socio-biology. They share one feature : social sciences are at first excluded from this new structure and only later allowed to cooperate by accepting its rules ; thus they are invited to adopt a pupil's position. Are cognitive sciences then, built within or against human sciences ? With social sciences or despite of them ? Do they ambition to built a multi-disciplinary structure that is completing current institutional structures or concurrent to them ? In any case, they benefit from the ambiguity of these questions. Social anthropology must decide urgently whether to fight their success or be resigned to it
La niche écologique contre l'écosystème et l'intervention négligée des faits techniques
La niche écologique contre l'écosystème et l'intervention négligée des faits techniquesLa référence au concept d'écosystème domine l'anthropologie écologique, mais cette approche « centripète » (en ce qu'elle commence par délimiter un cadre spatio-temporel pour analyser ensuite son contenu) n'est pas sans danger et il apparaît que, loin d'avoir favorisé la coopération interdisciplinaire, elle l'a plutôt immobilisée : notamment en cristallisant un antagonisme factice entre les cohérences symboliques de l'ethnoscience et les cohérences biologiques d'une écologie plus matérialiste. La notion complémentaire de niche écologique installe en revanche une démarche « centrifuge » qui travaille d'abord sur des relations élémentaires et ne dessine les cadres qu'en fonction d'un problème posé et au moment de l'interprétation. Elle peut relancer l'écologie humaine en interdisant l'oubli tendanciel d'un type d'intervention aussi primordial que ceux relevant des organismes et des représentations : le domaine des faits techniques. Des illustrations issues de la forêt centrafricaine sont données à la fin du texte.Mots clés : Guille-Escuret, biocénose, écosystème, niche écologique, technologie culturelle, forêt centrafricaineThe Ecological Riche Against the Ecosystem and the Neglected Intervention of Technical FactsReferences to the concept of ecosystem dominate ecological anthropology, but this " centripetal " approach (in so far as it begins with delimiting a spatiotemporal boundary and proceeds with an analysis of its content) is not without shortcomings and it appears that, far from encouraging interdisciplinary cooperation, it has rather inhibited it to the extent that it has frozen the spurious antagonism between the symbolic coherence of ethnoscience and the biological coherence of a more materialist oriented ecology. The notion of ecological niche introduces a " centrifugal " dynamic that starts with elementary relations and elaborates on boundaries only with regards to a specifie problem wnen interpreting the material. This notion challenges human ecology by reminding thé importance of technical facts, a domain of interventions as central as those associated with living organisms or representations yet too often neglected. Illustrations from the forest of Central Africa are provided in conclusion.Key words : Guille-Escuret, biocœnosis, ecosystem, ecological niche, culturel technology. Central African fores
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