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Des chevaux pour l’empire
L’article examine un aspect méconnu de la colonisation russe en Asie centrale, aspect qui peut paraître mineur, mais pourtant révélateur des rapports entre métropole et colonie. Il s’agit de l’utilisation éventuelle de chevaux centrasiatiques dans l’armée impériale. Au cours du XIXe siècle, la presse russe spécialisée (journaux militaires et journaux d’élevage équin) se fait abondamment l’écho d’un débat sur cette question, fondé sur l’espoir d’exploiter utilement les territoires conquis. Ainsi se forge une image du cheval des steppes et du cheval du désert. Ces jugements de valeur portent avant tout sur la qualité des montures, les possibilités d’« amélioration » des races, mais aussi sur les particularités de l’équitation locale. Outre ces représentations, des emprunts ont effectivement lieu, dans le domaine des méthodes d’élevage et des techniques équestres. Leur réciprocité fournit un bel exemple de la complexité des liens entre colons et colonisés.This paper aims to examine a little known aspect of the Russian colonization of Central Asia: the possible use of Central Asian horses in the Imperial Army. It may appear to be a minor question, but it nevertheless reveals relationships between the Russian Empire and its colony. From this point of view, the Russian situation in Central Asia may be compared to the French situation in Northern Africa. In the nineteenth century, this question was much discussed in specialized Russian press (military and horse breeding journals), based on the hope that the conquered territories could be usefully exploited. These papers define the steppe horse and the desert horse. They express value judgments about the quality of local breeds, their possible amelioration, but also about the peculiarities of indigenous horse riding. In fact, some techniques are borrowed from the fields of husbandry and horse-riding. The reciprocity of these borrowings shows the complexity of the links between colonizers and colonized peoples
Un espace à l’aune du bétail
À la recherche des marques laissées par l’activité pastorale dans les catégories turco-mongoles de l’espace, on découvre que les mesures de distance sont définies de façon relative, alors que l’orientation l’est de façon absolue. Les normes qui déterminent l’orientation sont si impérieuses que l’inversion des positions est comprise comme funeste.Searching for traces of pastoral activity in Turkic-Mongol space categories, we discover that measurement of distance is rather relative, whereas orientation is rather absolute. The norms governing orientation are so strict that inversion of positions is linked to death
Delphine Berdah, Abattre ou vacciner : la France et le Royaume-Uni en lutte contre la tuberculose et la fièvre aphteuse (1900-1960)
Dans cet ouvrage solidement documenté, tiré de sa thèse soutenue en 2010, Delphine Berdah présente une histoire croisée du traitement de deux maladies animales, la tuberculose bovine et la fièvre aphteuse, de 1900 à 1960, en France et au Royaume-Uni. La première moitié de l’ouvrage (chapitres 1 à 5) est consacrée aux moyens de lutte utilisés contre la tuberculose. Elle révèle une forte dépendance de la médecine vétérinaire vis-à -vis de la médecine humaine. Non seulement le vaccin bilié de Cal..
De l’attache des chevaux à la fécondation des femmes en passant par la cuisine
RésuméL’attache des chevaux, récursive dans l’usage que les peuples turco-mongols de Sibérie et d’Asie centrale font de cet animal, ne s’explique que par les représentations indigènes du chaud et du froid et peut être rapprochée d’autres pratiques motivées par des justifications d’ordre thermique, dans des domaines aussi divers que la cuisine, la reproduction ou la médecine. L’étude d’un obscur détail des techniques équestres peut donc amener à dévoiler tout un pan des systèmes symboliques, certaines catégories qui structurent obstinément une vision du monde.AbstractTethering of horses, widely used among the Turkic- Mongol peoples in Siberia and central Asia, can only be explained through native ideas about hot and cold. They can be likened to other practices justified in “thermal” terms in activities as diverse as cooking, reproduction and medicine. This study of an obscure detail in techniques related to horseback-riding sheds light on large parts of the system of symbols and on categories that persist in shaping the world view
Vers une anthropologie de l’action
RésuméEntre 1949 et 1995, André-Georges Haudricourt (1911-1996) a posé dans quelques travaux l’idée d’une opposition entre peuples pasteurs et jardiniers. Plusieurs auteurs soulignent la spécificité de la conception chinoise de l’efficacité. Nous proposons de reprendre et d’affiner la distinction opérée par Haudricourt entre action directe positive et action indirecte négative en vue de fonder une anthropologie de l’action dont il serait l’inventeur. En effet, l’étude des techniques d’élevage du cheval chez les Iakoutes de Sibérie, dans une civilisation à la fois pastorale et orientale, fournit l’occasion d’enrichir sa typologie de l’action, en distinguant notamment opérations et manipulations; actions passives et actions interventionnistes; actions endogènes, exogènes et participatives; actions continues et discontinues. Se focalisant sur le fonctionnement concret des actions humaines, une telle entreprise vise à comparer traitement de la nature et traitement d’autrui en examinant les modes d’agir.Toward an Anthropology of Action: André-Georges Haudricourt And Technical EfficiencyIn writings between 1949 and 1995, André-Georges Haudricourt (1911-1996) formulated the idea of an opposition between pastoralists and gardeners. Several writers have drawn attention to the Chinese conception of efficiency. In order to found an anthropology of action of which Haudricourt can be said to be the author, the distinction is addressed and reworked that he made between direct positive action and indirect negative action. The study of techniques for raising horses among the Yakuts in Siberia, a pastoral civilization in the East, provides an opportunity for developing this typology by distinguishing between : operations and manipulations; passive and interventionistic actions; endogenous, exogenous and participatory actions; or continuous and discontinuous actions. By focusing on how human actions actually function, we can compare the ways of handling nature and of handling people
À chacun son cheval ! Identités nationales et races équines en ex-URSS (à partir des exemples turkmène, kirghize et iakoute)
L’article traite de la manière dont les races de chevaux ont été utilisées pour construire et affirmer une définition essentialiste de l’ètnos dans plusieurs pays de l’ex-URSS. L’hypothèse principale est que l’existence d’une race équine “nationale” peut être considérée comme un critère de définition d’une communauté humaine, en même temps que la langue, le territoire et autres marqueurs culturels. À l’époque soviétique ont été créées de nouvelles races de chevaux, telles que le novokirgiz “nouveau kirghize”, en croisant plusieurs races originaires de différentes régions de l’Union afin de les “améliorer” (i.e. augmenter leur productivité). Il fallait produire un “cheval nouveau” pour un “homme nouveau”. Après la dislocation de l’URSS, plusieurs races équines dont on cherche à retrouver la “pureté” originelle, ont été érigées en emblèmes nationaux. Le cheval turkmène est censé être l’ancêtre de tous les pur-sang. La réinvention du cheval kirghize contribue au développement de l’écotourisme au Kirghizstan. Le cheval iakoute est utilisé comme garant de l’autochtonie des Sakhas. Mais jusqu’où va cette identification entre races équines et identités nationales ? L’article s’ouvre sur une réflexion générale au sujet de la notion d’identité qui clôt le volume.This article deals with the different ways horse breeds have been used to build and reaffirm an essentialist definition of ethnos in several countries from the former USSR. The main hypothesis is that the existence of a specific horse breed can be viewed as an additional criterion of a human community, along with language, territory and other cultural markers. During Soviet times, new horse breeds were created, such as the “Novo-Kirghiz” by crossing existing breeds from different parts of the Soviet Union in order to “ameliorate” them (i.e. enhance their productivity). A “new horse” has to be produced for “the new man”. After the dislocation of the USSR, national horse breeds have been promoted as national emblems. Breeders are looking for originally “pure-blood” animals. Turkmen horse is supposed to be the ancestor of all thoroughbreds. The reinvention of the Kirghiz horse contributes to the development of ecotourism in Kyrgyzstan. Yakut horse may reaffirm autochthony for Sakha people. But how far are national identities identified with horse breeds? The article ends with general reflections on the concept of identity
L’identité, une question de définition
Il est des mots qui connaissent des glissements sémantiques considérables en l’espace de quelques années, à la suite d’une vogue aussi subite que pernicieuse (ou prétentieuse, cf. Lévi-Strauss 1977, p. 9). Ainsi, le quartier, qui désigne une petite partie d’un centre ville connaissant une certaine homogénéité (historique, sociale, professionnelle, architecturale) s’est-il récemment déplacé vers les banlieues et devient aujourd’hui, souvent au pluriel, synonyme de zone urbaine aux conditions s..
La figure atemporelle du « nomade des steppes »
International audienceDepuis la dislocation de l’URSS, les États qui en sont issus ont chacun mené une politique de construction nationale qui passe par la “réinvention” de leur préhistoire. Certains d’entre eux, tels le Kazakhstan, se présentent comme les héritiers d’une civilisation nomade des steppes. Il s’est créé une figure atemporelle du nomade des steppes, vivant dans sa yourte, en symbiose avec son bétail, forgé par son environnement et dont le mode de vie serait resté immuable à travers les siècles jusqu’à l’irruption de la modernité soviétique. Afin de lui rendre sa temporalité, l’anthropologie et l’archéologie peuvent concourir à nuancer et à enrichir ces représentations souvent inexactes ou simplistes, en montrant les multiples formes que revêt le nomadisme pastoral, son ancrage dans l’histoire, ses interactions avec le monde sédentaire, quitte à rompre avec les préjugés de l’immuabilité ou de l’évolution linéaire de ces société
L'ethnologie questionne l'archéologie. Préface
International audiencePourquoi ensevelir des chevaux ? Faute d'avoir accès aux discours des acteurs dont ils ne peuvent interpréter les pratiques que sur la base de traces matérielles souvent infimes et toujours parcellaires, les archéologues peuvent recourir aux services des ethnologues pour les seconder dans leurs tentatives d'élucidation et d'interprétation. Dans cette collaboration possible, difficile mais souhaitable et même nécessaire entre ethnologie et archéologie 1 , la première question qui émerge spontanément est la suivante : dispose-ton de témoignages attestant d'une pratique qui laisserait des traces ressemblant à ce qui est observé dans ces fouilles ? D'abord parmi les populations vivant ultérieurement ou actuellement dans la même zone géographique, ensuite éventuellement dans le reste du monde. Si oui, quel est le sens de ces pratiques, comment ces populations les expliquent-elles ? Enfin, une telle explication est-elle plausible dans le cas étudié, compte tenu des caractéristiques précises du fait archéologique observé ? L'ethnographie peut nourrir des hypothèses, fournir des scénarios aux archéologues, hypothèses et scénarios qui complètent et corrigent ceux que leur imagination leur propose d'emblée. Charge à ces derniers de les mettre ensuite scrupuleusement à l'épreuve des faits, sans se satisfaire d'analogies trop faciles. Mais le raisonnement peut aussi être retourné, par une projection vers l'avenir, dans un deuxième questionnement également fructueux : quelles traces laisseront aux archéologues du futur les pratiques sociales que nous observons ici et maintenant ? « … regardez la maison où vous êtes en ce moment et imaginez qu'on l'abandonne, telle qu'elle est, pendant plusieurs milliers d'années. Les matières les plus périssables vont 1 Alain TESTART, « Comment concevoir une collaboration entre anthropologie sociale et archéologie ? À quel prix ? Et pourquoi ? », Bulletin de la Société préhistorique française, 103-2, 2006, p. 385-395. Alain TESTART
L’identité, une question de définition
Il est des mots qui connaissent des glissements sémantiques considérables en l’espace de quelques années, à la suite d’une vogue aussi subite que pernicieuse (ou prétentieuse, cf. Lévi-Strauss 1977, p. 9). Ainsi, le quartier, qui désigne une petite partie d’un centre ville connaissant une certaine homogénéité (historique, sociale, professionnelle, architecturale) s’est-il récemment déplacé vers les banlieues et devient aujourd’hui, souvent au pluriel, synonyme de zone urbaine aux conditions s..
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