83 research outputs found
L’homme sans qualités : une écriture d'évitement au service des possibles
In The Man without Qualities, the author and his main character, Ulrich, use indetermination (in the sense of stratagems) to escape from a Real World that they consider unsatisfactory, and to open up other potentialities such as the unforeseeable magical instants offered by daylight mysticism. This article analyses how Musil, in order to give shape to this utopic quest, “avoids” particularization, be it stylistic or narrative.Dans L’homme sans qualités, l’auteur et son héros, Ulrich, usent d’opérations d’indétermination (au sens de stratagèmes) afin d’échapper au monde du Réel jugé insatisfaisant et de laisser place à d’autres espaces de possibles, ceux des instants magiques imprévisibles de la mystique diurne. Cet article analyse comment Musil, afin de donner forme à cette recherche d’utopie, « évite » toute particularisation, aussi bien stylistique que narrative.
"Schade", le dernier mot de Paula Modersohn-Becker
Le sentiment d’inachevé, et la conscience du temps qu’elle implique, est nécessairement une donnée de la conscience d’un sujet, d’une personne (Merleau-Ponty, Gustave Guillaume). Seront convoquées outre ses capacités d’entendement et de mémoire, celle de sa « représentation » du temps – aux trois dimensions (les trois présents augustiniens) – et des aspects, ses tensions de durée (le tonos du verbe). Pour que jaillisse à un moment donné la notion d’inachevé, et son dire, il faut d’abord, chez le sujet, qu’une « perception d’une totalité de temps » (l’« intuition catégorique » de Husserl) ait lieu. Le jugement d’inachevé dans la langue est alors possible. Seront considérés quelques cas où des formes brèves disent cette conscience de l’inachevé, et particulièrement le dernier mot prononcé par l’artiste peintre Paula Modersohn-Becker en mourant : « Schade » (« Dommage »).</p
De l'animalité de de l'humanité : perspectives philogéniques et philosophiques
Qu’est-ce que l’homme ? Qu’est-ce que l’animal ? Qu’est-ce qui distingue l'homme de l'animal ? Ces questions restant (toujours) ouvertes puisqu’elles portent sur des entiers génériques (l’homme, l’animal, la vie) qui dépassent les possibilités de la réflexion humaine, comme le reconnaît Aristote, nous avons dirigé notre attention sur la tradition à laquelle nous devons ces deux concepts – homme, animal –, et éclairé quelques jalons de l’histoire des classifications et des dénominations (des taxinomies) grâce auxquelles l’homme a voulu rendre compte de l’organisation des vivens, des étants du monde dont il fait partie. Ce parcours historique de faits et de données scientifiques et philosophiques a permis d'éclairer les différences d’espèces entre les animalia, les bruta d'un côté, et l’homo sapiens de l'autre. Ainsi que de rappeler que cette distinction taxinomique "externe" est doublée d’une distinction "interne" qui trace une seconde, une autre ligne de partage, à l'intérieur, d'où résulte la nature duelle de l’homme. L’homo sapiens est fait de cette nature duelle. L’humanité de l’homme n’est ainsi pas un « donné » au sens kantien du terme, mais elle constitue bien pour lui un projet.</p
Johannes Lohmann : Philosophie et Linguistique (1895-1983)
La thèse principale de cet ouvrage est que l’histoire du langage constitue l’histoire de l’homme. Le langage est entendu comme « la forme de l’être-là de l’homme » (die Form des menschlichen Daseins). La théorie critique de Kant sert de cadre méthodologique à l’entreprise de Lohmann, lequel s’attache à analyser la « structure transcendantale » du langage. Le point de départ est que « langage » et « pensée » sont à l’origine les deux faces du même phénomène : le logos. Dans le logos se trouvait réuni ce qui se dissociera plus tard et que les grammairiens latins nommeront ratio et oratio. En effet, avant d’être celle d’un individu et d’apparaître comme détachée de celui-ci, la pensée se serait lentement extraite de la communication langagière collective », cette « conscience inconsciente » qu’était le La forme linguistique articulée est quelque chose qui ne serait dévoilé à la conscience de l’homme qu’ultérieurement, grâce à la « réflexion », ce retour par la pensée sur le langage. Cette réflexion est autant consciente qu’inconsciente : elle est celle du sujet parlant ou pensant, mais aussi celle que le langage effectue sur lui-même, puisque le langage, qui est articulation par la pensée de la totalité du monde, est lui-même un élément de cette totalité à penser. Lohmann s’attache à étudier ce dégagement, cette évolution au cours de laquelle le rapport de l’homme au monde ces deux pôles transcendantaux du discours ») se transforme en s’inversant : le pôle actif se trouvait à l’origine du côté de l’« objet intentionnel de l’acte de discours;», doté d’une force « magique », et non pas du côté du sujet pensant
La personne, le nom et l'identité : questions, concepts et illustrations dans Austerlitz de W.G. Sebald
Nous verrons que la distinction "nom commun / nom propre" est assise sur de mauvais critères, à savoir ceux de "signification" et de "détermination", et qu'elle est infondée —, nous consacrons tout d'abord notre attention sur le vocable même de "personne". Nous remonterons le fil diachronique de sa genèse. C'est d'une création conceptuelle en effet, de l'"invention" d'une notion, qu'atteste ce mot de "personne" avec lequel une seconde inscription du particulier de l'homme se dit dans la langue. Nous verrons que la genèse de ce mot de "personne" s'opère elle aussi — comme le passage du neutre "ça" au particulier de l'âme dans le poème de Tardieu — dans un mouvement descendant, qui va du monde divin d'en-haut à celui, sublunaire, d'en bas. Le mot a en effet d'abord servi à répondre à une question fondamentale que l'interprétation théologique des textes des Écritures posait : Qui parle ici ?</p
Avant-propos
Dans ce « champ des possibles » travaillé par l’écriture fragmentaire, ce sont des « exemples » d’écriture modernes et contemporains que nous proposons d’éclairer maintenant, des « réponses » d’auteur.e à la question générale du Sens de ce choix d’écriture et de l’ambition créatrice dont ils l’ont investi. Quels défis relevés, quelles ouvertures espérées, quelles « clartés », quels « mystères » attendus de cette écriture ? Au-delà de leurs différences, tous ces exemples de réponse ont en commun d’offrir une « preuve » de la puissance propre à la langue du fragment. Avec ces dix études consacrées au fragment dans tous ses états, ses aspects d’œuvre brisée ainsi que ses figures d’écriture fragmentaire dans des textes modernes et contemporains, nous espérons avoir éclairé les « qualités » de cette entité si riche et plurielle qu’est le fragment : avec ses « vertus », ses « puissances » régénératrices et libératrices (de traditions, du carcan du genre) ainsi que ses qualités de « brisure », de « bris », prêts à tous les remplois dans des textes à venir, le fragment, privé de l’unité première ou libéré de cadres obsolètes, a de multiples pouvoirs au service de l’écriture
La personne et son nom : avant-propos
La "personne" et son "nom" sont deux moyens servant à identifier un particulier (une personne), ou une communauté, et leur rôle s'épuise là . Les enveloppes que sont les noms ne donnent pas accès à l'être propre de la personne qui reste voilée sous elles. Deux questions demeurent ainsi toujours ouvertes : "Qui est-il ?", question posée par les autres, dans la communauté, et "Qui suis-je ?" que se pose chacun, qu'il soit une personne réelle ou un personnage fictif. Laissons saint Augustin clore cet avant-propos : Je suis devenu à moi-même une question. </p
De l'animalité de de l'humanité : perspectives philogéniques et philosophiques
Qu’est-ce que l’homme ? Qu’est-ce que l’animal ? Qu’est-ce qui distingue l'homme de l'animal ? Ces questions restant (toujours) ouvertes puisqu’elles portent sur des entiers génériques (l’homme, l’animal, la vie) qui dépassent les possibilités de la réflexion humaine, comme le reconnaît Aristote, nous avons dirigé notre attention sur la tradition à laquelle nous devons ces deux concepts – homme, animal –, et éclairé quelques jalons de l’histoire des classifications et des dénominations (des taxinomies) grâce auxquelles l’homme a voulu rendre compte de l’organisation des vivens, des étants du monde dont il fait partie. Ce parcours historique de faits et de données scientifiques et philosophiques a permis d'éclairer les différences d’espèces entre les animalia, les bruta d'un côté, et l’homo sapiens de l'autre. Ainsi que de rappeler que cette distinction taxinomique "externe" est doublée d’une distinction "interne" qui trace une seconde, une autre ligne de partage, à l'intérieur, d'où résulte la nature duelle de l’homme. L’homo sapiens est fait de cette nature duelle. L’humanité de l’homme n’est ainsi pas un « donné » au sens kantien du terme, mais elle constitue bien pour lui un projet.</p
De la systémicité fonctionnelle de la particule gotique ga-
Nous aborderons la question du système comme une formation (Gebilde) résultant d’une opération de pensée, opération créatrice sur laquelle la langue nous renseigne pour peu qu’en soient questionnés les “précipités” produits, déposés et recueillis en elle. Comme matériau d’illustration, nous convoquons l’un de ces précipités exemplaires qu’est la systémicité fonctionnelle1 propre à une particule, la particule gotique ga-, particule de phrase d’origine indo-européenne et qui apparaît en gotique dans une véritable constellation, celle des composés verbaux et nominaux. Cette particule est en effet la trace d’une opération d’“englobement”, qu’elle soit de portée spatiale ou temporelle. Le repérage de cette systémicité et son étude appliquée aux composés verbaux nous avait permis de rapporter toute occurrence de forme verbale composée en ga- à l’une des quatre valeurs dégagées et indexées sur un continuum fonctionnel, chacune des valeurs se laissant obtenir par déboîtement de la précédente : la valeur sociative, la valeur complexive (résultative), la valeur d’incidence et la valeur jonctive. </p
Johannes Lohmann : Philosophie et Linguistique (1895-1983)
La thèse principale de cet ouvrage est que l’histoire du langage constitue l’histoire de l’homme. Le langage est entendu comme « la forme de l’être-là de l’homme » (die Form des menschlichen Daseins). La théorie critique de Kant sert de cadre méthodologique à l’entreprise de Lohmann, lequel s’attache à analyser la « structure transcendantale » du langage. Le point de départ est que « langage » et « pensée » sont à l’origine les deux faces du même phénomène : le logos. Dans le logos se trouvait réuni ce qui se dissociera plus tard et que les grammairiens latins nommeront ratio et oratio. En effet, avant d’être celle d’un individu et d’apparaître comme détachée de celui-ci, la pensée se serait lentement extraite de la communication langagière collective », cette « conscience inconsciente » qu’était le La forme linguistique articulée est quelque chose qui ne serait dévoilé à la conscience de l’homme qu’ultérieurement, grâce à la « réflexion », ce retour par la pensée sur le langage. Cette réflexion est autant consciente qu’inconsciente : elle est celle du sujet parlant ou pensant, mais aussi celle que le langage effectue sur lui-même, puisque le langage, qui est articulation par la pensée de la totalité du monde, est lui-même un élément de cette totalité à penser. Lohmann s’attache à étudier ce dégagement, cette évolution au cours de laquelle le rapport de l’homme au monde ces deux pôles transcendantaux du discours ») se transforme en s’inversant : le pôle actif se trouvait à l’origine du côté de l’« objet intentionnel de l’acte de discours;», doté d’une force « magique », et non pas du côté du sujet pensant
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