77 research outputs found
Quand la fiction se mêle à l’histoire
Au début du XIIIe siècle, pour faire une œuvre historique, il n’est point d’autre méthode que la compilation des écrivains du passé. La compilation est à la fois traduction des écrits anciens latins et agencement de ceux-ci, selon un sujet déterminé. L’auteur des Faits des Romains travaille officiellement sur quatre sources latines qu’il prend soin de nommer, la Vie de César de Suétone, la Conjuration de Catilina de Salluste, la Pharsale de Lucain et les Commentaires de la guerre des Gaules d..
L’Ovide moralisé ou Ovide revisité : de métamorphose en anamorphose
Au tournant des XIIIe et XIVe siècles, le succès de l’Ovide moralisé est un beau témoignage de l’engouement toujours persistant pour le poète antique : composé par un auteur anonyme bourguignon ou du Centre-Ouest de la France, l’ouvrage de 72000 octosyllabes est une réécriture des Métamorphoses auxquelles s’ajoutent ici ou là d’autres sources, ovidiennes ou non, latines ou françaises. Cette immense entreprise s’inscrit dans le mouvement des interprétations allégoriques des œuvres de l’Antiqui..
César et le romanz au XIIe siècle
Alors que César est loin d’être un inconnu dans la littérature médiévale des origines, comme en témoigne ici ou là la mention de son nom, sa place reste mesurée, tout comme l’est celle de Rome au destin de laquelle il est toujours rattaché. Pourtant, la figure d’Alexandre et les récritures à laquelle elle s’est prêtée depuis l’Antiquité et tout au long du Moyen Âge confirment la prégnance du matériau et du personnel antiques dans le processus créateur des premiers textes en romanz. L’on ne pe..
Y a-t-il une représentation de l’Orient dans la Chronique d’Ernoul et de Bernard le trésorier ?
Dans l’historiographie de la croisade, la Chronique d’Ernoul et de Bernard le trésorier occupe une place importante. Datée du début du XIIIe siècle, elle retrace la perte de Jérusalem, reprise par Saladin en 1187, en montrant ses origines et ses conséquences pour le Royaume latin. Présenté incidemment au cours du texte, l’auteur Ernoul est identifié comme un seigneur d’Orient attaché à la suite de Balyan d’Ibelin, avec la fonction de vaslet ou d’écuyer. Il aurait probablement composé en Orien..
Les Faits des Romains. Une fortune diverse
Composés dans les années 1213-1214, les Faits des Romains retracent la vie de César, à partir de la compilation de sources latines, Salluste, César, Lucain et Suétone. Première histoire intégralement consacrée au chef romain en langue vernaculaire, l’œuvre connaît un vif succès, comme en témoignent aussi bien le nombre de manuscrits connus, quelque soixante environ, que son influence dans les littératures françaises et italiennes, sous la forme d’emprunts directs ou de réécritures. L’examen de son influence dans les genres encylopédique, romanesque et épique, permet de comprendre la nature de son rayonnement et de prendre la mesure de ses apports au-delà du seul champ de l’histoire.Composed in the years 1213-1214, the Faits des Romains (Roman Facts) relates a life of Caesar, from a compilation of Latin sources, Sallustus, Caesar, Lucan and Suetonius. As a first history wholly devoted to the Roman leader in the vernacular, the work was a great success, as testify the number of known manuscripts, some sixty of them, as well as its influence in the French and Italian literatures, in the form of straight borrowings or rewritings. The survey of its influence in the encyclopedic, fictional and epic genres enables one to understand the nature of its importance and to size up its contribution beyond the sole field of history
Les langues médiévales de l’histoire
On connaît le clivage qui existe au Moyen Âge entre le latin, langue du savoir, et la langue vernaculaire, destinée aux illiterati, autrement dit à ceux qui ignorent le latin, les laïcs. Clivage, mais aussi lien de continuité. En ses origines, la langue vernaculaire se présente en effet comme la traduction des autorités latines considérées comme des sources historiques pour rapporter l’histoire ancienne et/ou antique. Les historiens sont d’abord et avant tout des translateurs, des adaptateurs qui ne se privent pas de détours interprétatifs et d’ajouts fictionnels au moyen de procédés qui s’épanouiront dans le champ romanesque. À partir du xive siècle, ils sont concurrencés par des traducteurs soucieux de la lettre latine et sensibles à l’altérité linguistique, comme Bersuire s’attelant à Tite-Live, avec une saisie nouvelle du passé romain. En parallèle, d’autres historiens adoptent spontanément le latin, tel Rigord retraçant le règne de Philippe Auguste, ou bien, au contraire, utilisent d’emblée la langue vernaculaire, comme les chroniqueurs de croisade ou les historiographes d’un règne.À quoi tient la partition latin/langue vernaculaire, doublée dans la seconde d’une partition vers/prose ? Elle dépend de la formation des historiens, professionnels ou non, commandités ou non, et du public à qui elle s’adresse, et répond dans tous les cas à la mission de dire le vrai qui est assignée à l’histoire et à sa vocation didactique et idéologique. Elle met au jour la conscience aiguë que les historiens ont, tout au long de la période médiévale, du choix de la langue et de la forme qui conditionnent à leurs yeux le sens de l’histoire qu’ils relatent. Tous ces aspects appellent l’attention : ils montrent qu’il n’y a pas une langue, mais des langues et des formes pour écrire l’histoire selon les périodes et les milieux, et que la poétique qu’elles inspirent induit et éclaire des démarches herméneutiques contrastées.The division which existed in the Middle Ages between Latin, the language of scholarship, and vernacular language, destined for the illiterati, that is, laymen who don’t master Latin, is well-known. This division also marks a point of continuity. Vernacular language is presented as a translation of authoritative Latin texts considered as historical sources in the transmission of ancient and antique history. Historians are first and foremost considered as transposers and adaptors who have no qualms about making interpretative digressions and fictional additions, using techniques which will flourish in the domain of the novel. From the 14th century on, they face competition from translators who are more concerned by precision and who are sensitive to questions of linguistic alterity, such as Bersuire taking on Livy, thereby providing a new perspective on the Roman past. In parallel, other historians spontaneously adopt Latin, such as Rigord when he gives an account of Philippe Auguste’s reign; or, on the contrary, they employ the vernacular directly, as is the case in the chronicles of the Crusades or for historiographers of a monarch’s reign.What maintains the Latin/vernacular divide, one that is compounded in vernacular language by the distinction between poetry and prose? This division depends on historians’ training ‑whether or not they are professionals, whether or not they work to order‑ and on the audience they are writing for. In all cases, it responds to the truth-telling mission of history and to its didactic and ideological vocation. It testifies to medieval historians’ acute awareness of the effect their choice of language and form would have, they believed, on the meaning of the history they were telling. All of these aspects require attention: they show that there is not one but many languages and forms in which history might be written, that these languages and forms vary according to periods and milieu, and that the poetics they inspire give rise to and shed light upon contrasting hermeneutic methods
Le Rommant de l’abbregement du siege de Troyes pour « exemplifier »
Dans l’ample production médiévale consacrée à la légende de Troie prise comme de l’histoire, Le Rommant de l’abbregement du siege de Troyes, composé à la cour de Bourgogne dans le troisième quart du XVe siècle, se remarque par la reprise sélective des temps forts de la guerre de Troie et par sa forme versifiée, le couplet d’octosyllabes à rimes plates, qu’il emprunte à sa source, le Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure, daté de la seconde moitié du XIIe siècle. Dans sa réécriture, le rédacteur anonyme accorde une place inédite à Jason dont il restaure l’image à l’intention d’une Cour qui invente l’ordre de la Toison d’or et il délègue au vers la mission d’exemplifier et d’édifier l’auditoire grâce à un nouvel éclairage des faits et des héros.In the considerable quantity of medieval literature concerning the legend of Troy considered as history, Le Rommant de l’abbregement du siege de Troyes, written at the Burgundy court in the third quarter of the 15th century, is remarkable for its selective re-use of key moments of the Trojan War and for its versification. It is composed of rhyming octosyllabic couplets, following the source-text, The Romance of Troy by Benoît de Sainte-Maure, dating from the second half of the 12th century. In this rewriting, the anonymous writer focuses on Jason in a hitherto unseen way. He rehabilitates his image to suit the court which had created the Order of the Golden Fleece and relies on the verse to exemplify and to teach the audience, by shedding new light on both the facts and the heroes
Représentation historienne de l’ailleurs dans l’Histoire de l’empereur Henri de Constantinople
Dans les chroniques de croisade, la peinture historienne de l’ailleurs est toujours gouvernée par une lecture chrétienne de l’histoire qui en dénie l’altérité ou l’enregistre pour mieux se l’approprier. Dans l’Histoire de l’empereur Henri de Constantinople, composée après la prise de la ville orientale en 1204, l’ailleurs, avec la formation de l’Empire latin de Constantinople, devient une propriété de l’Occident qu’il faut sans cesse revendiquer. Cette nouvelle donne politique se reflète dans sa représentation minimaliste qui structure un récit historique soumis à des enjeux idéologiques
De quelques figures féminines dans les Faits des Romains
Parmi les récits historiques en prose qui voient le jour au XIIIe siècle se distingue une histoire ancienne anonyme, les Faits des Romains, consacrée pour l’essentiel à la vie de César. Comme l’indique le titre complet de l’ouvrage, le texte est une compilation effectuée d’après plusieurs œuvres antiques : la Vie de César de Suétone, la Conjuration de Catilina de Salluste, la Pharsale de Lucain et les Commentaires de la guerre des Gaules de César auxquels s’ajoutent d’autres sources dont l’id..
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