20 research outputs found
Devenir imperceptible
Oisif dans ma petite grotte J’ai longtemps admiré Et j’admire encore Que l’absence de pensée ressemble tant Aux fleuves qui coulent vers l’orient. Han Chan, in La Montagne Vide, Albin Michel, « coll. Spiritualités Vivantes », 1987, p. 46 À l’image des fleuves métaphoriques du Chant du Monde ou de Camargue, le fleuve romanesque s’alanguit sur sa fin, se « love », se « compulse », se récapitule dans ses..
Naturalité
Dans le zen, comme chez les stoïciens, l’on s’emploie à pratiquer la vie, en ne programmant qu’à très court terme (ou sans programmer du tout). « La réalisation originale est pratique merveilleuse » disent les orientaux, et non recherche d’un savoir ou d’une vérité qui nous attendraient quelque part. Quoi de plus dérisoire puisque rien n’attend jamais, que tout se transforme en permanence, laissant, seule, miroiter la scintillation des surfaces ou d’étoiles dont l’origine est perdue ? Comme l..
L’apparence pure
Dans la maison vide l’homme est sans forme, Où la voix seule vient en échos. Les ombres du couchant s’inversent dans la forêt. Sur la mousse renaît la lumière. Wan Wei, in La Montagne Vide, op. cit., p. 88 Alors que la plupart d’entre nous vivent écrasés sous de laborieuses minuties, comme dit Borgès, oublieux de l’inconsistance des phénomènes et du monde, fermés à tout dans une course éperdue où ils demeurent asservis jusqu’à leur fi..
Au cœur de la vacuité
Ici même, le Réel. Comment le dire, dans l’oubli des mots ? T’ao Yuan Ming, « En buvant », in La Montagne Vide, Albin Miche/, op.cit., p. 29 La crise que traverse Giono dans les années 30 le conduit à une attitude paradoxale faite de déprise radicale et de non moins radical « engagement dans le commerce du monde » [III, No., 831], cet engagement n’étant pas pratique sociale mais exploration romanesque de ce que par convention l’on classe comme « réel » ou comme « imag..
La nuit transfigurée
Durcir lentement, lentement, comme une pierre précieuse – et rester finalement là , tranquille, pour la joie de l’éternité. Nietzsche, Aurore, op.cit., § 541,p. 271. Dans son « Apologie de Raymond Sebond », Montaigne se demande si finalement, face à la mort, la sagesse ne consiste pas en « simplesse » et « ignorance ». Sa référence devient alors celle du muletier : « la philosophie, au bout de ses préceptes, nous renvoie aux exemples d’un athlète et d’un muletier, auxquels on voit ordi..
Le gai savoir
Dès lors qu’on tient l’existence comme surprenante par son fait même, il n’est pas étonnant que celle-ci puisse apparaître comme une très bonne ou une très mauvaise surprise, comme un cadeau ou comme un poison [...]. C’est même le caractère fondamental de l’existence – d’exister ici et maintenant, seulement ici et maintenant – qui en fait indiscernablement l’horreur et le charme. Clément Rosset, Principes de sagesse et de folie, éd. de Minuit, p. 45 Pour toujours inactuel, Nietzsche, ..
Giono philosophe
Giono "philosophe" ... Appellation inattendue, qu’il faudrait d’ailleurs pouvoir orthographier au pluriel ! Car de Lao Tseu à Deleuze, en passant par Lucrèce, Spinoza et Nietzsche, nombreuses sont les affinités qui relient Giono à ces penseurs du hasard et de la joie tragique. Qu’il nous soit permis, au gré de notre fantaisie mais aussi d’une nécessité interne au sujet, de les inviter ici, à travers siècles et continents, au grand Banquet des esprits libres. Cet essai propose donc un éclairage différent sur ce très grand écrivain qui a l’audace de se doubler d’un penseur profond, échappant ainsi, une fois de plus, aux catégories dans lesquelles il était convenu de le classer. Nul esprit de système dans tout cela, nul dogmatisme non plus : l’écriture souveraine de Giono se joue avec désinvolture de la plupart de nos tentatives de dire vrai sur elle. Nous essayons simplement de souligner la puissance quasi thérapeutique de l’éthique gionienne, faite d’un savoir gourmand du réel dans son entier (noirceur et lumières confondues), et d’une jouissance communicative d’être soi, qui est la "générosité" selon Giono. Et dans cette science irriguant chacun des récits, alliant connaissance profonde et savante déprise, nous découvrons un nouvel aspect de Jean Giono, seigneur et soigneur qui allège et décharge les hommes de leur fardeau de pesanteur et de sérieux
La marche du monde
À l’image de ce corps spinozien « persévérant dans son être », chez Giono, tout chemine, même dans l’immobilité apparente. Au rythme des êtres, le récit va, sans but ni illusion de connaissance : telle la « voie » que signifie le mot « tao », qui n’exclut rien, mais, vacante, laisse le monde se renouveler en permanence et laisse « procéder » le réel. Ces « grands chemins » (traduction française...) qui ne mènent « à nulle part » sont voies par où ça passe, par où l’équilibre se maintient. La ..
Conclusion
Aux côtés de ce peu orthodoxe médecin-philosophe, nous avons traversé plusieurs abîmes et « maladies graves, même la maladie du grave soupçon », mais aussi plusieurs santés, et tout autant de philosophies, comme le dit Nietzsche dans Le Gai Savoir. Bénéfice considérable : nous en avons gagné pour toujours le goût du rire, d’une certaine profondeur enjouée, récusant dans le même temps les fallacieux prestiges des chants désespérés. D’autre part, dans l’expérience de l’instant, et d’une intelli..
L’impermanence : « Il ne fait pas de temps »
Dans l’océan des métamorphoses, le Moi éclate comme la bouteille à la mer – ou à l’encre. Rien ne peut plus être appréhendé d’une façon ferme, mais dans l’incessante modification apparaît le fond indifférencié des choses, ce fond égal qui relie tout, « son d’immanence ». À l’évidence, le temps devient royalement indifférent à ces personnages qui ne le ressentent plus comme une servitude mais comme occasion de varier les plaisirs. Si le décor de ces œuvres reste minéral, les gestes se font « c..