Journal de la guerre de 1914

Aussitôt la déclaration de guerre, j’ai résolu de partir comme Aumônier militaire, et non pas dans un hôpital mais le plus près possible des blessés et par conséquent du feu. Partout on constate un grand souffle patriotique. On parle de la Patrie, du devoir, de la nécessité qu’il faut accepter bravement. Hélas ! On ne parle guère de Dieu et du salut des âmes. Certes, j’aime la France, et je n’ai guère humainement parlant, je pourrais dire surnaturellement, de plus grand désir que de voir la F..

Lettres du p. Anizan en 1914

– A Gabriel Bard Paris, 1er Août 1914 Cher Monsieur Gabriel Je crains bien décidément que nous ayons la guerre, on y croit partout et l’Allemagne semble user vraiment d’une duplicité qui cache des desseins secrets. Dieu nous garde et qu’Il daigne ne pas nous faire payer toutes les fautes de nos gouvernants successifs et de ceux qui les soutiennent. Je prie pour toute votre chère famille et pour vous bien spécialement. Bien vôtre en N[otre] S[eigneur] Em[ile] Anizan pr[être de] S[aint] V[incen..

Lettres du p. Anizan en 1915

– A Gabriel Bard Meuse, 7 Janvier 1915 Cher Monsieur Gabriel J’ai en effet appris par M. Josse le malheur qui vient de vous frapper. Il ne m’a pas dit lequel de vos frères mais j’ai deviné qu’il s’agissait de M. Alfred à cause du lieu où il a été frappé. Ne sachant plus où vous étiez j’ai de suite écrit à votre chère et vénérée mère, la part cordiale que je prends à votre douleur. Je n’ai vu que quelques fois votre cher frère, assez cependant pour l’estimer grandement et l’aimer. Quelle douce..

Lettres du p. Anizan en 1916

– A Jules Forget Meuse, 12 Janvier 1916 Mon cher Jules Mon retard vient de ce que vous n’avez pas renouvelé votre adresse dans votre lettre. J’ai heureusement retrouvé une lettre de vous d’Octobre dernier. Merci de vos vœux et de vos prières, mon cher et si aimé enfant. Moi aussi je forme mille vœux de santé, bonheur, réalisation de vos désirs, sanctification, apostolat fécond avec le ciel plus tard. Je souhaite aussi mille bonheurs à vos chères sœurs. Oui, je souhaite moi aussi que nous nous..

Correspondance avec le Christ. (novembre-décembre 1915)

11 Novembre 15 Je me sens poussé à écrire, ce que je n’aime guère, car les sentiments du cœur demandent le silence et le secret. Pourtant relire les inspirations du Christ me fera grand bien, et puis, écrire m’enflamme plus le cœur. Du reste, ce petit cahier restera entre Dieu et moi. Je suis encore trop attaché aux créatures et pas assez exclusivement à Dieu comme je le voudrais. Comment faire ? Je prie beaucoup et souvent dans ce but. Il me faudrait agir aussi en me mortifiant plus en m’exe..

Aumônier à Verdun

Ancien supérieur général d’une congrégation religieuse française, destitué en janvier 1914 par le pape Pie X, le p. Anizan se porte volontaire en août 1914 pour servir à 61 ans comme aumônier militaire dans la région de Verdun. Son Journal de la Guerre de 1914 et les lettres publiés dans ce livre relatent la vie quotidienne d’un aumônier auxiliaire, sans statut officiel dans l’armée, près de la ligne de front, d’août 1914 à février 1916. La guerre hante ces pages non pas sous la forme d’une épopée, mais sous les traits d’un fléau meurtrier et destructeur. Le prêtre assure une présence régulière, auprès des soldats, dans les villages, les forts et les tranchées, nouant avec eux des relations confiantes et parfois amicales. Il exerce son ministère dans les lieux mêmes où vivent les combattants, adaptant son action aux conditions imposées par la guerre. Dans ces textes, affleurent aussi son état d’esprit, ses conceptions politiques et sociales, sa spiritualité, ses représentations de la guerre et des belligérants, sa réflexion sur son avenir personnel. Parmi tous les témoignages sur la Grande Guerre, le père Anizan livre au fil de ces pages une manière particulière de voir les hommes et les événements