Un canal comme support mnémotechnique pour la généalogie ?

Abstract

Les études consacrées aux réseaux d’irrigation ont généralement pour objet d’expliciter la logique sociale encodée dans l’infrastructure et les règles de partage de l’eau. Ces travaux ont permis d’établir qu’une société organise la gestion de la ressource en eau selon des critères qui lui semblent socialement pertinents, en fonction bien sûr des contraintes environnementales et technologiques auxquelles elle est soumise. En revanche, l’influence de la gestion de l’eau sur la société est méconnue. Pourtant, comme le montrent Edmund Leach à Ceylan et Paul Ottino à Madagascar pour le foncier, le fait de partager une ressource peut avoir des influences sur la structuration de la société à travers le système de dévolution des biens. Le cas malgache dont il sera question ici permet d’envisager cet effet « rétro » de l’irrigation sur la société. En effet, le groupe des irrigants du canal Analambano Be se présente comme un groupe de parents, à tel point qu’avoir des droits sur le canal permet d’induire l’existence d’un lien de parenté. Le canal s’avère être le support d’un discours en termes de parenté, et plus encore, la structure de l’objet elle-même est une source discursive essentielle. Partant du canal et de son histoire, cet article explore les relations sociales qui unissent les utilisateurs entre eux, en expliquant notamment les règles de transmission des droits d’eau. Il montre ainsi l’importance de la parenté patrimoniale par l’eau, les lignées d’héritiers permettant de reconstituer une généalogie qui vient concurrencer et finalement remplacer la parenté « réelle », et analyse à quel point ce phénomène acquière une dimension particulière à Madagascar où avoir une généalogie permet de revendiquer le statut d’« homme libre ». Enfin, il décrit comment ces groupes sociaux, discrets jusqu’alors, réussissent finalement à obtenir une reconnaissance sociale par le biais de l’organisation de comités d’irrigants.A Canal to Build a Genealogy This article is on the structural effects water-sharing may have on society, in a Malagasy case. The analysis of irrigation networks usually shows how social components are essential to the technical infrastructure and to the allocation of water. It is now generally admitted that a given society organizes the allocation of its resources on social and cultural criteria according to the environmental and technological challenges it faces. Nevertheless, the effects of water-sharing has on society are quite unknown, eventhough in the case of land Leach in Sri-Lanka, and Ottino in Madagascar, demonstrate that inheritance affects the structure of a society. The Malagasy case provides a good example to study the “retro” effect that irrigation may have on society. People sharing water coming from Analambano’s channel, present themselves as parents. To have a plot on this channel means to be related to the other users, even if one does not always know in which way this relation operates. The structure of the channel is explained in genealogic terms and provides a mnemotechnic tool for genealogy. After having described the channel and its history, the author studies the relation between its users specifically focussing on the rules of inheritance. This demonstrates the importance of the patrimonial kinship through water rights, which enables people to elaborate a genealogy. As having a genealogy is meaningful in Madagascar, how can we analyze this way of “building” genealogy ? Finally, this paper describes how thoese discreet groups are reconsidered by the administration through the organization of irrigation committees

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This paper was published in OpenEdition.

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