research

La démocratie s'est-elle arrêtée à Napoli ? La politique locale, ses émotions, ses récits et ses passions

Abstract

Au terme d'une enquête de dix mois sur la vie politique à Naples, nous avons repris une belle invitation de Jean-François Bayart à regarder au-delà d'Eboli (dans sa réflexion sur le sens des énoncés politique) sur l'idée que les rouages de la domination politique échappaient, pour partie, aux théories univoques de la modernisation et du développement politique. Dans cette optique, nous avons pris au sérieux tout à la fois les récits sur le chaos politique comme ceux sur les passions identitaires, en cherchant à comprendre comment les désenchantements politiques sur la violence et la corruption côtoyaient en permanence des élans passionnels sur le syndicalisme, les élections et les mobilisations citoyennes. Il semble que ces deux formes d'énonciation du politique, contradictoires et imbriquées, révèlent une texture démocratique qui est sans doute beaucoup plus universelle qu'il n'y paraît de prime abord. C'est le résultat principal présenté dans cet article : non seulement la démocratie ne s'est pas arrêtée à Napoli, mais les ressorts de sa dramaturgie donnent à voir des traumatismes, des promesses et des stéréotypes qui sont au coeur de tous les systèmes d'action publique locale. D'une certaine façon, la façade narrative d'une faillite généralisée du pouvoir politique local masque un rapport dialectique tout à fait contemporain à l'autorité et à la domination politiques, rapport dans lequel le rejet des politiques publiques cohabite avec un engouement passionnel pour la chose publique. Pour étayer ce diagnostic paradoxal, une première partie présente quelques résultats saillants sur le mistero napoletano concernant les premières émotions politiques des futurs élus, la façon dont les leaders incarnent le pouvoir, l'omniprésence des mobilisations collectives dans la ville et la mise en scène théâtrale des joutes politiques. La seconde partie tente de tirer des enseignements à portée plus générale en connectant ces résultats aux schémas d'analyse présentés dans les travaux de science politique dans les champs de l'action publique locale, de la compétition politique et des mobilisations sociales. Le cas de Naples, où les dynamiques collectives de résistance, de défiance et d'adhésion à la politique et aux politiques publiques sont particulièrement entrecroisés, permet de mobiliser conjointement les approches des Cultural Studies et de la Narrative Policy. Nous faisons l'hypothèse que ces passerelles éclairent utilement la compréhension des ressorts passionnels et discursifs de la politique

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