Le livre « Je et le Tu » paru en 2023 est la réédition de l’ouvrage majeur de Martin Buber, publié initialement en 1923 à Heidelberg, il y a donc 100 ans. En le lisant, on ne peut qu’être frappé par son actualité et par l’intérêt qu’il présente pour le champ du conseil en orientation et plus globalement de l’accompagnement individuel mais également pour penser la crise de l’anthropocène actuelle. Comme précisé dans la présentation, l’auteur est un philosophe allemand né à Vienne en 1878 et d..

Cohen-Scali, Valérie

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 L’Orientation scolaire et professionnelle 52/4 | 2023Orientation et numérique - 2Buber M. (2023). Je et Tu Valérie Cohen-ScaliÉdition électroniqueURL : https://journals.openedition.org/osp/18214DOI : 10.4000/osp.18214 ISSN : 2104-3795ÉditeurInstitut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle (INETOP)Édition impriméeDate de publication : 15 décembre 2023Pagination : 835-837ISSN : 0249-6739 Référence électroniqueValérie Cohen-Scali, « Buber M. (2023). Je et Tu  », L'orientation scolaire et professionnelle [En ligne],52/4 | 2023, mis en ligne le 18 décembre 2023, consulté le 14 juin 2024. URL : http://journals.openedition.org/osp/18214  ; DOI : https://doi.org/10.4000/osp.18214 Ce document a été généré automatiquement le 14 juin 2024.Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiersannexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.Buber M. (2023). Je et Tu Valérie Cohen-ScaliRÉFÉRENCEBuber M. (2023). Je et Tu. Aubier Philosophie1 Le livre « Je et le Tu » paru en 2023 est la réédition de l’ouvrage majeur de Martin Buber,publié initialement en 1923 à Heidelberg, il y a donc 100 ans. En le lisant, on ne peutqu’être frappé par son actualité et par l’intérêt qu’il présente pour le champ du conseilen orientation et  plus globalement de l’accompagnement individuel  mais égalementpour penser la crise de l’anthropocène actuelle. Comme précisé dans la présentation,l’auteur est un philosophe allemand né à Vienne en 1878 et décédé à Jérusalem en 1965.Buber développe une philosophie de la relation, du dialogue, de la réciprocité et cetouvrage analyse les ressorts de la relation humaine comme modèle de toute relation.Pour Buber, l’être humain est avant tout une personne qui s’exprime en utilisant desmots dont certains ont un rôle clef pour la relation. C’est ce qu’il nomme les « mots-principes ». Il s’agit de mots qui manifestent l’attitude, la manière d’être et d’agir et dese rapporter au monde. 2 La première partie du livre, qui en comprend trois, est consacrée à l’explicitation de ceque  sont  ces  « mots-principes ».  Il  s’agit  de  couples  de  mots  qui  expriment  cetterelation à autrui et au monde. Pour l’auteur, deux couples de mots sont essentiels : lecouple Je-Tu et Je-Cela. Dans chacun de ces couples de mots, le Je est indissociable du Tuet  du  Cela.  La  relation  Je-Tu fonde  la  relation  unique  entre  deux  êtres.  C’est  unerencontre et un acte total où l’autre est connu et affirmé dans la totalité de son être.Buber souligne que toute rencontre correspond à une connaissance immédiate et totalede l’autre comme personne. Dans le couple Je-Tu, le Tu n’est plus « une chose parmi leschoses ». Le Tu de cette relation Je-Tu est détaché, unique, « il existe seul en face denous et remplit l’horizon » (p. 113). Le Je n’existe pas sans le Tu : « le Je devient Je endisant Tu » (p. 42) ; la relation est réciprocité. Buber M. (2023). Je et TuL’Orientation scolaire et professionnelle, 52/4 | 202313 Le deuxième couple de mots est Je-Cela. Dans ce couple, le Je voit alors le monde commeson objet.  Ainsi,  le fait de nommer l’objet comme un Cela,  plutôt que comme un Tudresse une barrière et sépare. Buber prend un exemple : « Je vois l’arbre » exprime nonplus une relation avec l’arbreTu mais avec l’arbre-Cela.  Qu’est ce qui fait que quelquechose est un Tu plutôt qu’un Cela ? Pour Buber, cette forme de relation Je-Tu naîtrait demanière instinctive dans l’enfance :  « Au commencement est la relation, qui est unecatégorie de l’être, une disposition d’accueil, un contenant, un moule psychique, c’estl’a priori de la relation, le Tu inné » (p. 60). La relation Je-Tu est initiée avec les choses etles êtres qui peuplent le monde de l’enfant. Il s’agit d’un instinct doublé d’une émotion,tissé tout au long de l’enfance par la présence ou à l’évocation du partenaire et qui« construit  son monde ».  Mais  Buber déplore que la  relation Je-Tu se  transforme enJeCela. Quand l’humain dit « Je-Cela » il se place en observateur et non plus dans unerelation réciproque. En cessant d’être Tu pour devenir notre Cela, les choses peuventêtre ordonnées, étudiées, rangées. On peut établir des liens de causalité entre les Celamais se faisant on s’éloigne de la relation au Tu, qui, pour Buber est l’essence de la vieen  société.  C’est  la  critique  adressée  par  Buber  aux  Sciences  Humaines  quicontribueraient à la réification du Tu, en voulant l’étudier, l’analyser, en définir et enordonner les parties.4 La deuxième partie, « le monde de l’homme » porte sur l’extension, au fil de l’histoire,de la relation à des Cela. Buber observe « la dilatation progressive du monde du Cela » eten  décrit  ses  conséquences.  Voir  les  choses  sous  forme  de  Cela permet  de  lesexpérimenter, de les connaître et de « conquérir le monde ». Dans cette partie, Buberévoque les formes modernes de travail et la multiplication des machines qui effacenttoute possibilité de relation réciproque. Face à ces empiètements sans fin du Cela,  ilexisterait un acte permettant de changer « le cours des choses », « de rompre le réseaudes  instincts  voués  à  l’utilisation ».  Il  s’agit  de  ce  qu’il  appelle  le  revirement.  Lerevirement consiste à « se raviser, bousculer les pions, aller vers le Tu,  se libérer enmobilisant sa volonté » (p. 93). Il s’agit de s’offrir à la rencontre ou encore « s’éloignerde l’action déterminée pour aller vers l’action prédestinée » (p. 94). L’être humain saisidu revirement va redevenir le Je de la relation Je-Tu dans une relation réciproque avecle monde. Ce cheminement qui se réalise au travers de chaque acte par la conscience desoi conduit chacun vers sa destinée. Dans le revirement, l’individu prend conscience desoi comme « d’un être “ainsi” et non autrement » et se réalise comme personne. 5 Dans la troisième partie « le toi éternel », Buber évoque un possible Tu surplombant quipermettrait la réciprocité de chaque relation. Dans cette partie, Buber au fond, appelleà  l’action,  à  l’engagement de chacun dans une lutte  contre  l’envahissement par  lesobjets et le retour vers une relation Je-Tu étendue au rapport au monde. Il s’agit d’aller« à  la  rencontre  du  monde »,  d’entrer  en  relation  avec  les  êtres  du  monde  par  lelangage,  même  si  ces  moments  de  réciprocité  sont  fugaces  (il  prend  l’exemple  duregard de sa chatte qui semble l’interroger sur leur relation : « est-ce que j’existe ? est-ce vrai que tu t’intéresses à moi ? »).  Pour Buber, c’est par le dialogue constant quecette relation Je-Tu peut perdurer et être étendue à la relation au monde. Le dialoguepermet de maintenir la relation Je-Tu dans le temps ; le dialogue a des effets de l’ordrede la « révélation »,  car alors,  « l’homme a dans son âme un plus,  un accroissementdont il ne savait rien auparavant » (p. 144), qui fait que la vie se charge de sens. Elle nepeut pas être réduite à un Cela, ne peut pas être comptée ou ordonnée. Buber M. (2023). Je et TuL’Orientation scolaire et professionnelle, 52/4 | 202326 Ce livre invite à une prise de conscience du caractère unique de chaque relation qui selaisse  capter  « dans  l’instant »  et  engage  notre  rapport  au  monde.  Il  interrogeégalement  l’attitude  de  neutralité  bienveillante  habituellement  à  l’œuvre  dans  lesinteractions de conseil, non pour remettre en question la bienveillance mais plutôt laneutralité.  Que  signifie-t-elle  quand  le  caractère  de  réciprocité  définit  l’essence  detoute relation pleinement humaine ? Cet ouvrage suggère enfin que c’est notre volontéde connaître le monde, en établissant des liens de causalité et en classant les choses, quiaurait  conduit  à  considérer  les  êtres  humains  et  non  humains  comme  des  objetspouvant  être  dominés  et  exploités.  En  invitant  à  développer  des  principes  d’actionvisant à restaurer le dialogue authentique avec les choses et les êtres vivants, ce livrenous donne des pistes pour penser des alternatives au type de rapports que nous avonsjusqu’alors eus avec le monde.AUTEURSVALÉRIE COHEN-SCALI Professeure de Psychologie de l’orientation Inetop-CnamBuber M. (2023). Je et TuL’Orientation scolaire et professionnelle, 52/4 | 20233

Buber M. (2023). Je et Tu

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