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Histoire des pratiques et des représentations politiques en Europe à l’époque contemporaine
Christophe Prochasson, directeur d’étudesVincent Duclert, professeur agrégé Autour de François Furet : histoire, historiographie et politique L’exploration de l’œuvre de François Furet est l’occasion d’étudier les relations entre historiens et politiques dans la deuxième moitié du XXe siècle. Centré sur l’analyse des travaux de l’historien de la Révolution française, le séminaire s’est ouvert l’année dernière sur des comparaisons dans le temps et dans l’espace. Après une première année de pré..
Les philosophes en République : L’aventure intellectuelle de la Revue de métaphysique et de morale et de la Société française de philosophie (1891-1914)
En 1893, un groupe de jeunes philosophes rationalistes et idéalistes, fondent la Revue de métaphysique et de morale. Fidèles à l’enseignement d’Alphonse Darlu qui fut leur professeur au lycée Condorcet, Xavier Léon, Elie Halévy et Léon Brunschvicg veulent défendre la philosophie contre les menaces symétriques du positivisme et du mysticisme. La revue bénéficie d’une reconnaissance universitaire précoce et lance des entreprises collectives de premier plan : l’édition-monument des œuvres de Descartes, les congrès internationaux de philosophie (le premier se tient à Paris en 1900) et la Société française de philosophie (fondée en 1901). Les animateurs français des débats du temps (Boutroux, Bergson, Durkheim, Lévy-Bruhl, Brunschvicg, etc.) se rencontrent dans le salon de Xavier Léon, véritable « foyer » de la philosophie française. Leur hôte est un médiateur de talent : directeur de la Revue de métaphysique et de morale et administrateur de la Société française de philosophie, il est devenu en quelques années un entrepreneur philosophique de dimension européenne. Dans ce moment républicain de la philosophie où s’articulent les principes de l’individualisme démocratique et les exigences du devoir social, se constitue ainsi une société des esprits qui ouvre des espaces de discussion réglée. L’obsession fin-de-siècle de l’anarchie intellectuelle et morale, le refus du dilettantisme et l’affirmation du « devoir de solidarité » forment le soubassement culturel de ce microcosme républicain. Bien que parfois tendue vers l’idéal d’un régime de production et de validation collectives du savoir, la « socialisation » du travail philosophique n’étouffe pas le génie individuel : il ne s’agit pas d’éliminer la controverse mais de forger les instruments de sa régulation apaisée et de sa rationalisation, en éliminant les faux problèmes pour donner davantage de reliefs aux divergences majeures. Les pensées fortes se singularisent et s’affermissent à partir d’une matrice problématique commune, dans la dynamique de la discussion. Les débats autour du bergsonisme et de la « philosophie nouvelle » constituent un observatoire privilégié de cette scène intellectuelle animée par les philosophes en République. Par leurs pratiques intellectuelles tout autant que par leurs discours, ces derniers incarnent une veine idéaliste de la philosophie républicaine qui connaît aujourd’hui un regain d’intérêt de la part des historiens et des philosophes
Introduction
La Revue de métaphysique et de morale a été fondée en 1893 par un groupe de « jeunes gens » qui n’avaient pas vingt-cinq ans : Xavier Léon, Élie Halévy, Léon Brunschvicg et leurs amis sont nés autour de 1870, peu ou prou avec la Troisième République, dans un moment de renaissance institutionnelle de la philosophie au sein de l’enseignement secondaire. Ils sont les cadets, de dix ans ou un peu plus, des Bergson, Durkheim, Jaurès et Lévy-Bruhl. La « Revue des jeunes » était une revue d’amis don..
Chapitre 6. Tradition philosophique et « philosophie nouvelle » : la régulation de la controverse bergsonienne
Les modalités de la réception du bergsonisme dans la Rmm sont révélatrices de la position de la publication dans le champ philosophique et intellectuel au tournant du siècle. La Revue s’est montrée très ouverte à ce qui représentait pourtant, aux yeux de ses fondateurs, une des figures majeures de l’altérité philosophique. Bergson était incontournable : en recherchant avec constance la collaboration du philosophe de l’intuition, pourtant avare de publications, Xavier Léon entendait consolider..
Chapitre 1. Les années de jeunesse : préhistoire de la Revue de métaphysique et de morale
La « préhistoire » de la Rmm commence au lycée Condorcet, dans la classe d’Alphonse Darlu, professeur de philosophie discret mais influent. Le projet de Revue s’enracine dans les lieux où se côtoient les rejetons d’une bourgeoisie parisienne bien dotés économiquement et culturellement : le lycée Condorcet, les domiciles familiaux, entre le Boulevard Haussmann et le pied de la colline de Montmartre, les rendez-vous de villégiature à Dieppe, sont les lieux où se tissent des amitiés de jeunesse ..
Théodule Ribot, Revue philosophique de la France et de l’étranger
L’équipe du Centre Alexandre-Koyré a saisi l’occasion du centenaire de la disparition de Théodule Ribot (1839-1916), philosophe et fondateur de la « psychologie scientifique française » pour lui consacrer un dossier dans la revue fondée par lui en 1876. L’opportunisme commémoratif, auquel personne n’échappe, pourrait éveiller le soupçon pour qui considère que l’histoire intellectuelle verse trop souvent, même lorsqu’elle s’en défend, dans l’hagiographie, le procès en réhabilitation ou en cano..
Chapitre 5. Délimitation des frontières de la discipline et organisation du travail philosophique
La défense de la philosophie comme discipline passait par l’établissement d’un dialogue fécond avec les sciences. Conjurer les menaces de réduction positiviste et scientiste qui mettaient en question l’existence même de la philosophie tout en défendant l’idéal et l’esprit scientifiques : tel était le programme de la Rmm. Cette alliance nouvelle entre philosophes et savants a contribué de manière décisive au développement de la philosophie des sciences, à la naissance de l’épistémologie. Le « ..
Conclusion
Le libéralisme intellectuel de la direction de la Rmm ne s’est jamais démenti sur l’ensemble de la période. Il s’explique en partie par la trajectoire sociale et intellectuelle de Xavier Léon. En choisissant de devenir un entrepreneur philosophique, le directeur de la Rmm empruntait une voie originale pour atteindre une excellence à laquelle il était convaincu de ne pouvoir parvenir par la plume. La création de la Rmm, le lancement des congrès internationaux et la fondation de la Société fran..
Chapitre 3. Le premier Congrès international de philosophie (1900) et la naissance de la Société française de philosophie (1901)
L’organisation du premier Congrès international de philosophie en 1900, à l’initiative de la Rmm, s’inscrit dans le prolongement du lancement de l’édition des œuvres de Descartes qui devait être présentée comme monument de la pensée française à l’occasion de l’Exposition universelle, moment d’intense activité congressiste. Le succès d’estime enregistré par le Congrès couronne de façon précoce l’œuvre sociable de la Rmm et de son directeur. C’est un moment décisif dans la réflexion sur les mod..
Chapitre 4. Xavier Léon : « homme double » et « philosophe sociable »
La Rmm était une revue académique et universitaire. Pourtant, et ce fut une des conditions de son succès, les principaux animateurs de la publication ne s’engagèrent pas dans une carrière au sein de l’Université. C’est du moins vrai pour la colonne vertébrale de la Revue : le duo Léon – Halévy. Xavier Léon avait renoncé, on l’a vu, à l’agrégation ; Élie Halévy enseigna à partir de 1897 à l’École libre des sciences politiques mais, après avoir soutenu sa thèse sur la Révolution et la doctrine ..