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    Rêves et réactivation de la mémoire : fenêtre sur la consolidation de la mémoire durant le sommeil

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    Le sommeil joue un rôle important dans la consolidation de la mémoire. Les expériences nouvellement acquises à l’éveil sont réactivées spontanément durant le sommeil, un processus qui aiderait à consolider et intégrer la mémoire à plus long terme. Il a été suggéré que ces réactivations de mémoire se reflétaient, du moins partiellement, dans le contenu des rêves et que les rêves pouvaient jouer un rôle actif dans la consolidation de la mémoire. L'objectif général de cette thèse de doctorat est ainsi d'évaluer si et comment le rêve est impliqué dans le traitement de la mémoire épisodique et procédurale en utilisant de nouvelles technologies et approches expérimentales pour étudier ces relations. La première étude de cette thèse visait à influencer les réactivations de mémoire durant le sommeil afin de clarifier leurs liens avec les rêves et la mémoire procédurale. Nous avons stimulé ces réactivations de mémoire en réexposant des participants, durant leur sommeil, à un stimulus sonore préalablement associé à un apprentissage moteur, une approche nommée « targeted memory reactivation » (TMR). Nous montrons que la TMR, lorsqu’appliquée en stade de sommeil paradoxal, permet d’améliorer l’apprentissage d’une tâche motrice complexe, soit apprendre à « voler » en réalité virtuelle. De plus, le fait de rêver à des éléments kinesthésiques de la tâche motrice en sommeil paradoxal, mais pas en sommeil lent léger, est associé à une meilleure amélioration à cette tâche (article I). Ces résultats appuient les modèles suggérant que le sommeil paradoxal joue un rôle important dans la consolidation de la mémoire procédurale complexe et suggèrent en outre que la simulation de sensations sensorimotrices dans les rêves pourrait contribuer à ce rôle. Bien que la TMR n’ait pas eu d’impact direct sur les rêves, nous montrons qu’elle peut influencer le décours temporel des incorporations de mémoire dans les rêves sur plusieurs jours. La TMR a amplifié les incorporations tardives de la tâche, soit 1-2 jours plus tard lorsqu’appliquée en sommeil paradoxal, et 5-6 jours plus tard lorsqu’appliquée en sommeil lent profond (article II). Nous suggérons que ces effets à plus long terme pourraient être dus à un mécanisme de marquage (tagging) des traces de mémoire, initiant ou amplifiant leur traitement subséquent au cours de plusieurs nuits de sommeil. De plus, nous montrons que notre expérience immersive en réalité virtuelle a augmenté l’incorporation de sensations de vol dans les rêves, particulièrement la nuit suivant l’exposition à celle-ci (article III). Nous identifions certains facteurs individuels qui sont associés à une plus grande incorporation de la tâche dans les rêves, tels que le fait d’avoir déjà eu des rêves de vols ou des rêves lucides. Un examen plus approfondi des rêves pendant 10 jours suivants l'expérience de réalité virtuelle montre que les sensations de vol sont progressivement décontextualisées du contexte de vol original au fil du temps. Les rêves de vol après l’expérience en réalité virtuelle avaient également des niveaux de contrôle et d'intensité émotionnelle plus élevés que ceux ayant eu lieu avant l’expérience. L'induction de rêves de vol nous a permis de faire une analyse qualitative approfondie sur ceux-ci, menant à une nouvelle proposition de la manière dont les sensations de vol, ou les sensations de mouvement de manière plus générale, peuvent survenir dans les rêves. Ces résultats pourraient à leur tour faciliter le développement de technologies pour mieux influencer et étudier les rêves. Une deuxième étude visait à évaluer quand et comment une source de mémoire épisodique commune à tous les participant – visiter le laboratoire de sommeil – est incorporé dans les rêves. Les résultats montrent que près du tiers des rêves incorporent des éléments du laboratoire, et ce, particulièrement dans les rêves en sommeil paradoxal lors d’une sieste matinale (article IV). Une étude qualitative de ces rêves met de l’avant les manières typiques par lesquelles des éléments du laboratoire réapparaissent dans les narratifs de rêve. Nous proposons l’existence de différentes « pressions intégratives » qui structurent les fragments de mémoire au sein de scénarios de rêves. Souvent, ces scénarios impliquent une certaine pression de performance, sont de nature sociale, projettent le rêveur dans le temps et dans l’espace, ou incorporent des sensations réelles du corps et de l’environnement de sommeil. Étudier le phénomène de « rêver au laboratoire » aide ainsi à clarifier comment les rêves sont façonnés autour de fragments de mémoire et souligne à la fois les avantages et les limites méthodologiques de l’étude des rêves et de la mémoire en laboratoire. Finalement, une troisième étude visait à suivre le décours temporel des sources de mémoire autobiographique des rêves au cours d’une nuit de sommeil entière en utilisant un protocole de réveils en série. Nos résultats montrent que les rêves peuvent combiner plusieurs sources de mémoire, en particulier lorsqu'ils se produisent en stade N1 ou en sommeil paradoxal, ce qui pourrait refléter une plus grande richesse ou capacité intégrative des rêves ayant lieu en ces stades (article V). Nous reproduisons le résultat voulant que les souvenirs récents sont préférentiellement réactivés tôt dans la nuit, tandis que les souvenirs plus lointains sont relativement plus représentés dans les rêves de fin de nuit – nous précisons que cet effet est indépendant des stades de sommeil. La co-activation de plusieurs sources de mémoire dans un même récit de rêve appuie la suggestion que l’une des fonctions du sommeil est d'intégrer les nouvelles connaissances à nos réseaux de mémoire préexistants. Nos résultats suggèrent que cette fonction pourrait être un processus cumulatif au cours d'une nuit de sommeil. Nous montrons entre autres qu'une seule source de mémoire peut être réactivée à plusieurs reprises dans plusieurs rêves, et en différents stades de sommeil, ce qui pourrait permettre un traitement continu ou séquentiel de souvenirs épisodiques avec d'autres souvenirs tout au long de la nuit. Dans l’ensemble, nos études quantitatives et qualitatives des incorporations de mémoire dans les rêves permettent d’éclairer les mécanismes fondamentaux de la formation des rêves ainsi que leurs associations avec le traitement et la consolidation des mémoires épisodique et procédurale. Nos résultats suggèrent qu’un rôle potentiel du rêve dans la mémoire irait au-delà de sa simple réactivation, soutenant des processus de transformation et d’intégration de la mémoire. La création de scénarios multisensoriels et immersifs basés sur des fragments mémoire est possiblement centrale à ces processus et permettrait d’optimiser l’utilisation de la mémoire pour le futur.Sleep plays an important role in memory consolidation. New experiences acquired while awake are reactivated spontaneously during sleep, a process that is thought to facilitate their consolidation and integration into longer-term memory. It has been suggested that these memory reactivations are, at least partially, reflected in dream content and that dreams play an active role in memory consolidation. The general objective of this doctoral thesis is to assess these claims; I examine whether and how dreams are involved in episodic and procedural memory processes by using new technologies and experimental approaches to study relationships between memory and dreaming. Our first study aimed to influence memory reactivations during sleep in order to clarify their relationships with dreams and procedural learning. We experimentally stimulated memory reactivations by re-exposing participants during their sleep to an auditory stimulus previously associated with motor learning, a process called targeted memory reactivation (TMR). We show that TMR, when applied during rapid eye movement (REM) sleep, improves performance of a complex motor task, i.e., learning how to "fly" in a virtual reality (VR) setting. Moreover, dreaming about kinesthetic elements of the motor task in REM sleep, but not in stage 2 sleep, is associated with better improvement on this task (article I). These results support previous models suggesting that REM sleep plays an important role in the consolidation of complex procedural memory and further suggest that the simulation of sensorimotor sensations in dreams contribute to this role. Although TMR did not directly impact dreams, we show that it can influence the time course of memory incorporations in dreams over multiple days. It amplified delayed incorporations of the task 1-2 days later when applied in REM sleep, and 5-6 days later when applied in slow-wave sleep (article II). We suggest that these longer-term effects could be due to a “tagging” mechanism of memory traces, which primes or amplifies their subsequent processing over several nights of sleep. Furthermore, we show that our immersive VR task increased the incorporation of flying sensations in dreams, especially the night after exposure to it (article III). We identify individual factors that are associated with the incorporation of the flying task in dreams, such as previous experience with both flying and lucid dreams. A closer look at dreams over 10 days following the VR experience shows that flying sensations become progressively decontextualized from the original flying context over time. Flying dreams after VR exposure also had higher levels of control and emotional intensity compared to baseline flying dreams. The successful induction of flying dreams allowed us to do an in-depth qualitative analysis of them, based on which we propose a new mechanistic explanation of how flying sensations or movements may arise in dreams. These results could facilitate the development of technologies to better influence and study dreaming. Our second study aimed to assess when and how an episodic memory source shared by all participants – visiting the sleep laboratory – is incorporated into dreams. The results show that almost a third of dreams incorporate elements of the laboratory, particularly REM dreams from a morning nap (article IV). A qualitative study of these dreams highlights the typical ways in which elements of the laboratory reappear in dream narratives. We suggest the existence of different “integrative pressures” that structure memory fragments into these dream scenarios. These are often performative or social in nature, project the dreamer in time and space, or incorporate real sensations from the sleeping body or the sleep environment. Studying the phenomenon of dreaming about the laboratory helps clarify how dreams are shaped from memory fragments, and highlights the advantages and methodological limits of laboratory dream and memory studies. Finally, our third study evaluated the time course of autobiographical dream memory sources during an entire night of sleep using a serial awakenings protocol. Our results show that dreams can combine multiple memory sources at once, especially when they occur at sleep onset or in REM sleep, which may reflect a greater dream richness or a more widespread associative memory activation in those stages (article V). We replicate the finding that recent memories are preferentially reactivated early in the night, while more distant memories are relatively more represented in late night dreams – we here clarify that this effect is independent of sleep stages. The coactivation of multiple memory sources in a dream narrative aligns with the suggestion that a function of sleep is to integrate new knowledge with existing knowledge. Our results further suggest that the latter may be a cumulative function of a night of sleep. We show that a single memory source can be repeatedly reactivated in multiple dreams in different sleep stages, which could allow a continuous or sequential processing of episodic memories with other memories across the night. Overall, our quantitative and qualitative studies of memory incorporations in dreams shed light on fundamental mechanisms of dream formation and on their association with episodic and procedural memory processing and consolidation. Our results suggest that a potential role of dreams in memory goes beyond simple reactivation, supporting long-term processes of memory transformation and integration. The creation of immersive and multisensory dream scenarios built upon memory fragments may be key to these processes and to optimizing the use of these memories for the future
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