Relation entre fausse croyance et changement représentationnel chez les enfants d'âge préscolaire : une analyse longitudinale

Abstract

Une des questions importantes en psychologie du développement concerne le rapport entre les représentations à soi et les représentations sur autrui dans le développement. Le domaine de la « Théorie de l'esprit » (theory of mind) permet de répondre à la question du rapport entre ces deux représentations car d'un point de vue méthodologique, il est possible de comparer chez un même sujet, et ce, dans une perspective développementale, l'habileté à se rappeler sa propre croyance à l'habileté à se rappeler la croyance qu'il attribue à autrui, et ce par le biais respectif des concepts de « fausse croyance à soi », aussi appelé « changement représentationnel » (CR) (voir Gopnik et Astington, 1988) et de « fausse croyance à autrui » (FC). Par ailleurs, d'un point de vue théorique, les auteurs ont également posé le problème de la relation entre les représentations à soi et celles d'autrui en proposant quatre modèles concernant la trajectoire développementale du CR et de la FC. Brièvement, alors que la simulation (e.g., Harris, 1992) prédit l'antériorité dans le développement de la compréhension du changement représentationnel comparativement à la compréhension de la fausse croyance, la théorie-théorie (e.g., Astington, 1993; Gopnik et Weilman, 1994), l'approche nativiste, le modèle hybride de Perner (1996) ainsi que le modèle de Barresi et Moore (1996) prédisent un synchronisme de la compréhension des deux concepts. Cependant, en dépit du fait que la « théorie de l'esprit » offre un cadre heuristique pour répondre à la question du rapport entre soi et autrui, il est surprenant de constater que les modèles théoriques n'aient jamais fait directement l'objet d'une validation empirique d'où la pertinence de procéder à un tel exercice. Plus spécifiquement, cette recherche vise à déterminer la trajectoire développementale de la FC du CR chez les enfants d'âge préscolaire et ce par le biais d'une étude longitudinale. Soulignons toutefois que les deux tâches évaluant le changement représentationnel et la fausse croyance ne diffèrent pas uniquement en ce qui concerne l'aspect conceptuel (soi versus autrui) mais aussi quant à la dimension temporelle (présent versus passé). En effet, si la question test de la tâche évaluant le changement représentationnel fait appel à la représentation passée du sujet, la question test de la tâche évaluant la fausse croyance fait appel à la représentation actuelle du sujet. Dans le but comparer la compréhension qu'a l'enfant de ces deux types de fausse croyance (métareprésentationnel), nous avons contrôlé la dimension temporelle en créant une nouvelle tâche où on questionne le sujet sur la fausse croyance qu'entretenait autrui dans le passé (e.g., tâche de CR à autrui). Ainsi, dans le cadre de cette recherche nous parlerons des tâches de CR attribué à soi, CR attribué à autrui et FC attribué à autrui. Vingt-neuf enfants ont été testés au cours de leur quatrième année et ce à intervalle de 3 mois soit à 4 ans 0 mois, 4 ans 3 mois, 4 ans 6 mois et 4 ans 9 mois. Chaque sujet a reçu 3 tâches de CR à soi (i.e., tâche type de CR), 3 tâches de FC à autrui (i.e., tâche type de FC) ainsi que 3 tâches de CR à autrui (i.e., représentation passée d'autrui). Les résultats montrent qu'à 4 ans 0 mois et 4 ans 3 mois, il n'y a pas de différence entre les trois concepts. À partir de 4 ans 6 mois, les enfants réussissent mieux les tâches de CR à soi que les tâches de CR à autrui et celles de FC à autrui, ce qui suggère que la compréhension de leurs propres états mentaux émerge plus tôt dans le développement que la compréhension des états mentaux d'autrui et dans ce sens ces résultats appuient la théorie de la simulation. Puis, à 4 ans 9 mois, le sujet fait une dissociation en fonction du moment de la représentation. En effet, à cet âge, les tâches de CR à autrui sont mieux maîtrisées que celles de FC à autrui ce qui suggère que le sujet a une plus grande facilité à manipuler des représentations contradictoires dissociées dans le temps (présent vs passé) comparativement à des représentations contradictoires présentes. En bref, la présente étude, de par son caractère longitudinal, permet de faire ressortir le fait que c'est d'abord la dimension conceptuelle (soi versus autrui) qui est l'objet du développement puis la dimension temporelle. Les résultats sont discutés en fonction d'une plausibilité neurobiologique de la simulation, telle que mise en évidence par la découverte des « neurones miroirs » (Rizzolatti, Fadiga, Gallese, et Fogassi, 1996) et d'une plausibilité développementale de ce modèle théorique. Les résultats sont également discutés en fonction des limites de la simulation, limites soulignant la nécessité d'avoir recours à des modèles hybrides intégrant explications simulatoires et explications théoriques.\ud ______________________________________________________________________________ \ud MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : théorie de l'esprit, fausse croyance, changement représentationnel, simulation, théorie-théorie

Similar works

Full text

thumbnail-image

Archipel - Université du Québec à Montréal

redirect
Last time updated on 21/07/2017

Having an issue?

Is data on this page outdated, violates copyrights or anything else? Report the problem now and we will take corresponding actions after reviewing your request.