Broderie refleurie : réactualiser la broderie par la matière

Abstract

Depuis le début de l’art, le végétal est un sujet privilégié. Dans un cours de dessin au baccalauréat, je me suis mise à le développer. D’abord très détaillés, j’ai choisi d’épurer mes dessins, afin de me libérer de mon obsession pour l’aspect photographique de celui-ci. Le tracé de la ligne contour des fleurs est alors devenu majeur dans mon travail, bien que ce ne fût que beaucoup plus tard, en découvrant les dessins d’Ellsworth Kelly, que j’en compris toute la portée. En effet, le concept que ce dernier élabore autour de son travail correspond à une notion d’abstraction qui définit une grande partie de ma recherche, s’étendant de Riegl à Loos. Ces tracés sont rapidement devenus broderie, celle-ci étant utilisée comme langage expressif et comme matérialité aux qualités visuelles particulières ; exploitée pour l’épaisseur du fil et les reliefs qu’elle crée. L’idée de la répétition du mouvement, du va-et-vient de l’aiguille d’un point au suivant, dans un tracé exigeant une perforation donne un caractère spécifique au motif de la fleur que j’interprète. En effet, alors que la broderie artisanale est majoritairement dans un rapport de reproduction de motifs déjà existants, comme artiste, j’élabore mes propres patrons avec un souci esthétique propre à la création artistique. Le motif de la fleur ayant toujours eu une connexion privilégiée avec la broderie, je tenais à le conserver, puisque j’avais remarqué que la plupart des artistes contemporains utilisant la broderie se dirigeaient vers des motifs n’appartenant pas à la culture de cette technique. L’artiste Ghada Amer, par exemple, utilise le corps de la femme comme motif dans ses broderies, afin de montrer la hiérarchisation entre homme et femme, en plus de celle entre art et artisanat. Les outils de compréhension de la ligne développés par l’historien de l’art Aloïs Riegl m’ont permis de comprendre le traitement synthétique que j’ai choisi de donner au motif de la fleur dans mon travail. Il est aussi possible de comprendre ce qu’entendait Wilhem Worringer par abstraction, notion encore liée à la représentation figurative, lorsque l’on voit mes dessins linéaires. Mes créations se retrouvent entre dessin et sculpture. Effectivement, confrontée au désir de renouveler le rapport entre le fil et le support, c’est d’abord vers un matériau très lourd, en contraste avec la souplesse du fil, que j’ai choisi de me tourner, soit l’acier. Puis l’idée de profondeur s’est installée en découvrant le travail de l’artiste Meredith Woolnough. Tout en conservant l’idée de rigidité dans le support, la matérialité du fil est soudainement devenue double avec l’apparition de l’ombre ; c’est-à-dire qu’il possédait maintenant une immatérialité qui semblait le rendre animé, lui donnant en quelque sorte un état de présence particulier. C’est donc l’acrylique qui est devenu le support principal, sans toutefois éliminer l’acier, agissant parfois comme un double support. Autant de paradoxes qui donnent à mes oeuvres un caractère unique. L’artiste lituanienne Severija est elle aussi impliquée dans un jeu de contraste entre la matérialité du support et celle du fil. Elle brode ses motifs sur des objets de la vie quotidienne en métal. Voilà les quelques pistes approfondies afin de permettre au motif linéaire de la fleur, en broderie, de se tailler une place vers les arts

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This paper was published in Constellation.

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