L’homme altéré. Races et dégénérescence (XVIIe-XIXe siècles)

Abstract

International audienceRace, origine, souche… Autant de notions piégées qui font aujourd’hui retour, tant dans les discours politiques que dans les travaux scientifiques, mettant parfois radicalement en tension notre espace public. Ce livre propose, à travers un parcours qui embrasse une grande variété de champs entre le XVIIe et le milieu du XIXe siècle, depuis les généalogies nobiliaires ou les textes théologiques jusqu’à l’histoire naturelle et la médecine, en passant par les pratiques d’élevage, de revenir sur l’histoire complexe de ces notions, la manière dont elles furent intégrées à des savoirs hétérogènes et mobilisées dans des dispositifs de pouvoir très divers. Il ne s’agit pourtant pas d’une histoire générale de l’idée de race, encore moins d’une histoire globale du racisme. Son parti pris est d’interroger systématiquement les rapports entre la question de la race et celle, moins connue mais décisive, de la dégénérescence, c’est-à-dire de l’altération ou l’écart par rapport aux qualités d’origine. Ce choix conduit à souligner l’importance, pour l’histoire du racisme, d’un racisme de l’altération, qui saisit les différences entre hommes moins sous le mode de l’altérité radicale, en contestant l’unité de l’espèce humaine et en absolutisant les différences ; qu’en les réduisant à des versions altérées, dégradées ou attardées, de soi-même et de l’identité humaine, qu’il conviendrait de régénérer, corriger ou perfectionner. Il rappelle combien la notion même de race fut intimement liée à l’idée de transmission d’altérations (pensées sous le mode de la faute, du péché, de la maladie, de l’accident lié aux conditions de vie ou aux mœurs), qui s’inscrivent dans la lignée et déforment l’identité humaine ou l’empêchent de se réaliser pleinement. Déviation-dégradation d’une humanité d’origine ; fixation-archaïsme dans le développement universel d’une humanité à réaliser, tels sont les deux modèles essentiels de ce racisme de l’altération, qui fonde des hiérarchies entre les hommes, et auxquels correspondent des dispositifs de pouvoir spécifiques qui, à partir d’une volonté d’inclusion, d’humanisation et d’amélioration, produisent leurs propres déchets, leurs propres effets de domination et d’exclusion. Si ce livre perturbe parfois certaines dichotomies à l’œuvre dans l’historiographie du racisme, il ne vise aucunement à réhabiliter tel ou tel ou à défendre l’indéfendable, bien au contraire. Il s’agit de montrer combien une histoire manichéenne masque la profondeur à laquelle est inscrite la notion de race, y compris dans les savoirs les plus contemporains; et combien plus polymorphe et malheureusement plus diffus est le racisme, entendu comme un ensemble de techniques de domination fondées sur la race. Il ne s’agit pas ici de dire où le racisme n’est pas mais bien là où on peut le trouver aussi : dans l’affirmation de l’unité de l’espèce, dans un certain humanisme universaliste ou dans le libéralisme politique. Il n’y loge ni à titre de reste ou d’archaïsme, ni à titre de trahison ou de contradiction : il y a ses logiques propres. Ce sont ces logiques que l’ouvrage s’efforce d’explorer. Mais plus largement, ce livre est une invitation à repartir d’une histoire rigoureuse des différents concepts de race, qui évite les anachronismes et les définitions a priori; pour réinterroger à nouveau frais l’histoire du racisme, objet historiographique si complexe à manier car surchargé d’enjeux politiques hélas très contemporains

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Last time updated on 01/05/2017

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