La Main, articulation du drame au théâtre

Abstract

Dans son article intitulé Diderot, Brecht, Eisenstein (1973), Roland Barthes identifie « l’instant pregnant » tel que l’a théorisé Diderot dans ses écrits esthétiques au gestus brechtien, fondement essentiel du théâtre épique que le dramaturge allemand appelle de ses vœux : « Chez Brecht, c’est le gestus social qui reprend l’idée de l’instant pregnant » . Le rapprochement qu’opère Roland Barthes dans son article nous invite à réenvisager, à partir de l’esthétique du tableau diderotienne, le rôle du gestus dans l’œuvre de Brecht. La main, tout comme le geste auquel elle est associée, relève au théâtre d’un art du détail. Aussi le geste n’est-il rendu possible, lisible que dans le cadre d’une esthétique du tableau où l’action est immobilisée en scène. Dès lors, le gestus ne peut plus être seulement identifié à l’indice de la relation sociale qu’entretiennent les différents personnages : il devient un geste signifiant, chargé de sens et ayant pour but d’offrir un commentaire de l’action au cœur de la représentation. Il pourrait en ceci être rapproché de ce que Walter Benjamin nomme, dans Paris, capitale du XIXème siècle, « l’image dialectique » ou la « dialectique à l’arrêt » qui est rupture au sein d’un processus continu et qui s’offre par là même comme commentaire de ce processus. Il s’agirait donc d’interroger la relation établie par Roland Barthes entre esthétique du tableau et gestus à travers l’œuvre de Brecht (Mère Courage et ses enfants) et de Diderot (Le Fils naturel et Le Père de famille). Il conviendrait également de sonder le devenir du gestus sur la scène contemporaine, gestus encore fréquemment employé parce qu’il facilite, pour le spectateur, une lecture de la pièce (l’œuvre d’Edward Bond en est un exemple) mais également décrié parce qu’il fige l’action en scène en un sens immuable