Le parc national d'Ichkeul (Tunisie) - une zone humide rétro-littorale aux paysages vulnérabilisés : apports d'une lecture géohistorique

Abstract

Le parc national de l\u27Ichkeul est un espace lacustre rétro-littoral situé au Nord de la Tunisieet appartenant au territoire du gouvernorat de Bizerte(25 kilomètres au sud-est de Bizerte et 15 kilomètres des villes de Menzel Bourguiba et Mateur). La zone humide a fait l\u27objet d\u27usages et de transformations de ses paysages qui ont changé au cours du temps. Au XIIIe siècle, sous le règne de la dynastie des Hafsides, cet espace était une réserve de chasse.Au début du XXe siècle, durant le protectorat français, il a été intégré au domaine public d\u27Etat. La zone était particulièrement prisée pour l\u27agriculture, la pisciculture et les atouts stratégiques du port de Bizerte. Aujourd\u27hui, l’Ichkeul constitue la principale zone humide continentale de la Tunisie. Il bénéficie de reconnaissances et de protections nationales et internationales. En 1977, il est classé réserve de biosphère, en 1979il est inscrit au patrimoine mondial  de l\u27UNESCO comme bien naturel et devient un parc national tunisien en décembre 1980(pour un périmètre comprenant le lac, les marais et le Djebel Ichkeul). La même année, le site est inscrit sur la liste des sites protégés par la convention de Ramsar(whc.unesco.org). Il bénéficie également d\u27un classement comme Zone Humide importante pour la conservation des oiseaux (ZICO) par le BirdLife International depuis 2001 (Ramsar.org). Sur le plan touristique,le parc offre de nombreuses potentialités grâce à la diversité et à la spécificité de ses paysages de zone humide rétro-littorale. On peut noter notamment des sentiers de randonnée, un musée, l\u27observation d\u27oiseaux, des vestiges romains et des sources d\u27eau chaude naturelles à proximité du lac qui alimentent des hammams traditionnels (M. Souissi, 2008).   Pour comprendre les particularités de la zone et l\u27origine de ses multiples classements, il faut la replacer dans un contexte géographique plus vaste et s\u27intéresser à l\u27ensemble rétro-littoral de Bizerte-Ichkeul. Les spécificités écologiques du parc national s’expliquent par les variations annuelles du niveau d\u27eau et de la salinité du lac qui résultent d\u27un équilibre hydrologique complexe entre les apports saisonniers d\u27eau douce provenant de six cours d\u27eau qui se jettent dans le lac et les débits d\u27eau entre le lac Ichkeul et la mer, via le lac de Bizerte et le canal de Tinja. Lorsque les apports d\u27eau douce sont importants, sous l\u27effet des précipitations hivernales qui s\u27étalent d\u27octobre à mars, le niveau du lac augmente, son taux de salinité baisse et l\u27excès d\u27eau s\u27écoule dans la mer. Lorsque les débits d\u27eau douce sont faibles, le niveau du lac diminue et l\u27eau de mer s\u27y engouffre par le biais du canal de Tinja, ce qui entraîne une nouvelle augmentation du taux de la salinité (R. Bouasker, 1995). Depuis la fin du XXe siècle, les paysages et les caractéristiques écologiques du site sont vulnérabilisés et son classement mis en péril. Cette communication vise à présenter les spécificités des composantes paysagères du parc national et à analyser les dynamiques géo-historiques de l\u27ensemble Bizerte-Ichkeul pour mieux cerner l\u27origine des vulnérabilités observées.